STRUCTURES MÉTALLIQUES

Légèreté, grandes portées, mixité, flexibilité, modularité et… créativité !

L’immense potentiel des solutions structurelles en acier imaginées par les concepteurs et/ou les ingénieurs est un vecteur primordial de dynamisation et de développement de la création architecturale. Laquelle est assortie d’innovations technologiques uniques, où la préfabrication des composants participe à la rationalisation de leur mise en œuvre performante. Et cela perdure depuis la construction des premiers ouvrages en fer et en fonte du début du 19e siècle à nos jours.

Pavillon des États-Unis de l’Exposition universelle à Montréal ; Richard Buckminster Fuller. Un mégadôme géodésique en dentelle d’acier, de 76 m de diamètre et 61 m de hauteur. DR

À la fin du 18e siècle, la technique de la sidérurgie naissante permet de produire du fer d’abord en Grande-Bretagne, puis en Europe. Le métal, sous la forme du fer et de la fonte, utilisé dans le génie civil et l’architecture, prend un essor considérable dans la construction, parallèlement à la Révolution industrielle en cours. Le premier pont en fonte bâti en France, à Paris (1er arr.), par les ingénieurs Louis-Alexandre de Cessart et Jacques de Lacroix Dillon, est le pont des Arts (1803). Au milieu du 19e siècle, l’engouement pour ce matériau donne lieu à une explosion de bâtiments d’envergure, tels que les immeubles industriels, les halles de marché, les gares, les pavillons des Expositions universelles, les passages couverts, les serres… Les halles centrales de Paris (détruites en 1971), des architectes Victor Baltard et Félix Callet (1854-1866) et formées de pavillons en fonte et verre reliés par des rues, en sont l’illustration. Ces édifices marquants sont érigés au moyen d’ossatures métalliques à fins poteaux de fonte, et de charpentes légères et ouvragées en fer, fabriquées avec des pièces industrialisées, répertoriées sur catalogue (colonnes, chapiteaux, frontons…) : un avant-goût de la préfabrication future.

STRUCTURES SPATIALE AÉRIENNES

À l’époque des Trente Glorieuses, la recherche et l’innovation en pleine ébullition conduisent à créer des structures spatiales novatrices en trois dimensions. Le précurseur en la matière est l’architecte américain Richard Buckminster Fuller qui invente le dôme géodésique et construit, en 1967, à Montréal (Québec), le pavillon des États-Unis de l’Exposition universelle, devenue en 1995 la « Biosphère » vouée à l’environnement. Ce type de structure aérienne, transparente et esthétique, a l’avantage de couvrir des surfaces conséquentes et d’apporter de la lumière naturelle dans les espaces. De même, les nappes tridimensionnelles, assemblant des barres d’acier à l’aide de nœuds d’articulation, dessinent des géométries variées et complexes dans l’espace. Ce système constructif à géométrie variable permet de monter des charpentes d’envergure, en gommant tout poteau dans le volume. Le musée d’aéronautique Aeroscopia, dessiné par les architectes Cardete et Huet en 2014, comprend une halle d’exposition dotée d’une charpente tridimensionnelle géante.

Musée Aeroscopia à Blagnac ; Cardete et Huet. La halle d’exposition se love sous une fine charpente tridimensionnelle en acier thermo­laqué blanc, de 70 m de portée. DR
Immeuble Panorama à Paris (13e arr.) ; Marc Mimram. Le bâtiment-pont a été édifié à l’aide de grandes poutres d’acier, dont des Warren de 10,35 m de hauteur et 58 m de longueur. Photo : Camille Gharbi

ÉLOGE DE LA LÉGÈRETÉ ET DES GRANDES PORTÉES

Matériau ultraperformant par sa résistance à la traction, son élasticité, sa malléabilité et sa ductilité, l’acier sert donc à édifier toutes sortes de structures légères à amples portées. Il en est ainsi de la gare TGV de Liège en Belgique qui, bâtie en 2009 par l’architecte espagnol Santiago Calatrava Valls, affiche une fine voûte en métal spectaculaire. Les autres systèmes constructifs à points porteurs et poutres se composent de diverses sortes de poutres, calculées pour franchir de grandes portées, en optimisant l’acier. La poutre reconstituée soudée (PRS), fabriquée sur mesure, assemble des tôles et plaques soudées visant à augmenter les portées.

La poutre-treillis (ou triangulée) et la poutre-échelle (ou Vierendeel), ou encore la poutre-treillis Warren, constituées de barres assemblées les unes aux autres et de montants, forment des structures stables et résistantes. La poutre alvéolaire (ou poutre cellulaire), allégée, facilite, quant à elle, le passage de gaines ou de fluides pour les édifices tertiaires. La singularité de l’immeuble Panorama à Paris (13e arr.), imaginé en 2019 par l’architecte ingénieur Marc Mimram, tient à sa conception en bâtiment-pont, à partir duquel est suspendue la dalle de couverture des voies SNCF : une vraie prouesse technique !

MODULARITÉ ET PRÉFABRICATION INTRINSÈQUES

Autre caractéristique de l’acier : sa capacité à pouvoir réaliser des ossatures modulaires, au moyen de composants préfabriqués mis en place par filière sèche. Très flexible, le système constructif courant à poteaux-poutres s’adapte à tout projet architectural de petite ou de grande échelle, en programme neuf ou en réhabilitation. À l’image d’un « meccano », il comprend des poteaux et poutres – fabriqués sur mesure ou bien standard en profilés I ou H – préfabriqués en atelier, puis livrés sur site, assemblés par boulonnage ou soudage, et mis en œuvre suivant une trame donnée. Le montage rapide et précis de ces éléments permet de rationaliser la pose et d’optimiser le matériau acier, tout en générant un gain de temps notoire et une réduction substantielle des coûts. Représentatif des constructions modulaires des années 1960-70, le centre aquatique municipal d’Aubervilliers, conçu en 1968 par les architectes Jacques Kalisz et Jean Perrottet, a été rénové en 2010 par les architectes Béguin et Macchini. Son ossature préfabriquée à poteaux-poutres d’acier apparente et préservée se déploie sur une trame carrée de 5 m.

INTERVENTIONS AISÉES SUR LE BÂTI

Légères et maniables, les structures acier offrent une haute souplesse d’utilisation qui contribue à faire évoluer un édifice, avec la possibilité d’opérer des modifications globales ou partielles, de type extension ou surélévation. La solution verticale de surélever une maison ou un immeuble est une option intéressante en centre-ville, où le foncier est devenu rare et coûteux. C’est l’occasion de créer des espaces et des volumes atypiques, aux fonctions diverses : loft, terrasse, loggia, serre… Les tours peuvent également faire l’objet de restructurations spécifiques, comme la tour Silex² à Lyon Part-Dieu, remaniée (2019-2021) par les agences MA Architectes et Arte Charpentier. L’ancienne tour EDF (en béton) est sur­élevée de quatre étages en ossature métallique, alors que sur sa façade nord, est adjointe une seconde tour de 126 m de hauteur intégralement bâtie en structure acier. C’est la preuve, une fois de plus, que l’acier est le matériau par excellence pour mener à bien ce type d’intervention complexe et ciblée qui se déroule dans un site contraint. En guise de sur­élévation hors norme, l’ancien entrepôt portuaire en béton Seegmuller (1932), à Strasbourg, a été transformé en 2013 par les architectes Heintz-Kehr en un immeuble pluri­fonctionnel (logements, bureaux…). Surélevé de trois étages en structure acier selon la trame carrée de 4,50 m, il allie des poteaux tubulaires remplis de béton à des poutres en profilés soutenant des prédalles béton. Ainsi, l’acier s’adapte parfaitement à chaque cas de figure de rénovation et de reconversion de bâtiments anciens ou plus récents, de toutes tailles et morphologies. Ancienne halle des messageries (1926), la halle Pajol à Paris (18e arr.) a été reconvertie par l’architecte Françoise-Hélène Jourda en 2013, en auberge de jeunesse et locaux d’activités. Bordant l’entité en bois créée, les travées structurelles en métal, surmontées de sheds, ont été mises à nu et valorisées pour loger un jardin qui longe les voies ferrées. Au regard des nombreux bâtiments (industriels, commerciaux…) rénovés et/ou reconvertis ces dernières années, force est de constater que le recours à l’acier prédomine, grâce à l’utilisation simple et efficace d’un panel élargi de composants qui s’accordent avec l’existant en toute circonstance et concourent à le magnifier.

Centre aquatique municipal d’Aubervilliers ; Jacques Kalisz et Jean Perrottet (conception)-Béguin & Macchini (rénovation). Le système à poteaux-poutres en acier d’origine a été préservé et restructuré. Photo : Béguin & Macchini

FAVORISER LA MIXITÉ DES MATÉRIAUX

Une autre notion importante a trait à la combinaison de l’acier à d’autres matériaux, comme le béton, le bois et le verre, afin de tirer le meilleur de chacun, avec ses caractéristiques propres, et de mieux maîtriser la stabilité d’un édifice. Selon l’adage « utiliser le bon matériau au bon endroit », une structure métallique alliée à d’autres matériaux contribue à enrichir le vocabulaire architectural choisi. Et pour réaliser des projets d’envergure, la mixité de matériaux s’impose souvent. Construit en 2012 par l’agence Scau, le stade Océane du Havre associe une charpente en acier (enveloppée d’une membrane bleue en ETFE) à une ossature et des gradins en béton, et à des murs-rideaux de façade. De même pour le stade Allianz Arena de Bordeaux (2014), des architectes Herzog et de Meuron, où l’ossature béton supporte une vaste charpente métallique. Outre les équipements sportifs, certains bâtiments publics de prestige privilégient ce mix de matériaux, pour des raisons à la fois techniques et esthétiques. Érigé en 2011 par les architectes Jean Nouvel et François Fontès, l’hôtel de ville de Montpellier, d’échelle imposante (50 m de largeur, 90 m de longueur et 40 m de hauteur), combine une ossature porteuse en béton et des mégapoutres Warren en acier à simple ou triple hauteur.

UN DYNAMISEUR D’ARCHITECTURES

Depuis la construction en 1977 du fameux musée d’art contemporain du centre Georges-Pompidou à Paris (1er arr.), par les architectes Renzo Piano et Richard Rogers, devenu une icône de l’architecture métallique, bon nombre d’édifices à structures acier ont vu le jour, que ce soit en qualité de logements, d’équipements culturels ou sportifs, de bâtiments commerciaux ou tertiaires… En acier galvanisé, inoxydable, autopatinable ou thermolaqué offrant un choix élargi de textures, le matériau permet de réaliser tout type de projet architectural, du plus petit au plus grand. La recherche constante de nouvelles structures métalliques – aux modénatures et formes diverses –menée par des architectes et/ou des ingénieurs, est un des supports fondamentaux de l’imagination qui stimule la créativité architecturale. Les domaines d’application sont multiples, tout comme les typologies induites : de la structure de type « meccano » à composants, à la charpente, la voûte, la verrière… L’ajout de verrières en toitures de bâtiments historiques représente un autre volet essentiel de leur restructuration, la pénétration de lumière naturelle dans les espaces de vie générant des économies d’énergie et un confort accru. Si, en 2011, l’agence Arep greffe une nouvelle verrière cintrée au sein de la gare de Lyon dans le 12e arrondissement parisien (1899), en 2020, l’agence Moatti-Rivière transforme le couvent des Franciscaines (1876) en complexe culturel et crée une verrière monumentale en aluminium, en faîtage du cloître. Or les dimensions réduites des éléments de structure, liées à un aspect esthétique donné, sont une conséquence directe de la haute efficacité structurelle de l’acier.

Le stade Océane au Havre ; Scau. Subtile alliance entre la charpente acier, l’ossature béton, l’enveloppe bleue en ETFE et les pans vitrés de façade. Photo : Carol Maillard
Centre Georges-Pompidou à Paris (1er arr.) ; Renzo Piano et Richard Rogers. Édifié au cœur de Paris, le musée national d’art moderne présente une ossature métallique apparente et colorée atypique. Photo : Carol Maillard