Restaurant-hôtel Château de Couffour – Serge Vieira à Chaudes-Aigues

Étoiles et architecture

Depuis 2009, Serge Vieira œuvrait dans le Cantal au Château de Couffour auquel il avait adjoint, avec son épouse Marie-Aude, un restaurant résolument contemporain dessiné par Jean-Jacques Erragne. Très vite doublement étoilé, ce cuisinier hors pair a rejoint le ciel le 1er juillet dernier, à 46 ans à peine. Hommage à cette étoile filante à la cuisine aussi bien architecturée que son établissement.

Le château de Coffour, dans le Cantal, entre forteresse médiévale et architecture résolument contemporaine : structure de pierre, de verre et d’acier autopatinable.

Une irrésistible ascension

Né en 1977 dans une famille de cinq enfants dont il est le benjamin, il a un père d’origine portugaise qui travaille chez Michelin à Clermont-Ferrand. Il commence par étudier le dessin industriel avant de bifurquer vers la cuisine. D’abord apprenti chez Dominique Robert à Chamalières, il obtient son CAP, puis un BEP. Il passe un an chez Bernard Andrieux à Clermont-Ferrand, puis fait une saison au Château de Marçay à Chinon où il rencontre Marie-Aude, sa future épouse tourangelle qui y travaille en salle. Commence alors leur formation à l’excellence auprès de chefs trois étoiles : trois ans à L’Espérance de Saint-Père-sous-Vézelay chez Marc Meneau, puis trois autres années à L’Auberge des Cimes à Saint-Bonnet-le-Froid aux côtés de Jacques et Régis Marcon. Ce dernier encourage son second à présenter le Bocuse d’Or auquel il va le préparer. En 2005, Serge Vieira remporte à 27 ans ce prestigieux concours mondial de la gastronomie créé par Paul Bocuse en 1987. Il voyage alors en Espagne, au Portugal, en Suisse, en Norvège, en Russie et jusqu’en Australie pour partager son savoir-faire avec des chefs français ou internationaux qui y exercent. Cela laisse le temps nécessaire au couple pour faire aboutir son projet d’installation.

Le château classé monument historique et le restaurant doublement étoilé
Le panorama embrasse les Monts du Cantal et le plateau de l’Aubrac.
La terrasse-jardin offre une vue à couper le souffle.

En terre de volcans

Si sa région natale s’impose, Serge Vieira s’interdit les départements où officient ses confrères et amis étoilés, à savoir la Haute-Loire, l’Allier ou le Puy-de-Dôme. Ce sera donc le Cantal ! Bruno Avignon, en charge de Cantal Expansion, attire l’attention du jeune couple sur le Château de Couffour dans la commune de Chaudes-Aigues. De la forteresse médiévale du XIVe siècle ne subsiste que l’une des sept tours, complétée par un corps de logis XVIIIe et une ferme. L’édifice, classé monument historique en 1969, et sa situation au cœur du parc régional des Volcans d’Auvergne – le panorama qui embrasse les monts du Cantal et le plateau de l’Aubrac met déjà l’eau à la bouche – ne peuvent que séduire le couple même s’il sait qu’il lui faudra y créer son restaurant hors les murs ! Leur budget étant insuffisant, la commune thermale, propriétaire du lieu, va mobiliser le département, la Région ainsi que l’Europe pour financer la construction de l’établissement qui va revitaliser l’activité touristique locale. Main dans la main avec Jean-Jacques Erragne, architecte fondateur d’Atelier 4 à Issoire, Marie-Aude et Serge Vieira vont imaginer une architecture troglodyte enracinée dans la colline juste en contrebas du château. Le couple « souhaite avant tout laisser, au cœur de cette nature à la fois brute et apaisante qui lui ressemble, une empreinte personnelle durable, juste et sans artifice, au service de l’émotion ». La toiture végétalisée vient magnifier en l’amplifiant la terrasse-jardin servant d’assise aux anciennes constructions, le donjon hébergeant trois suites. Dans le prolongement de l’allée de tilleuls séculaires qui mène à l’édifice, une série de dais en acier patinable déclinant altimétriquement protège une allée de béton lavé. Les hôtes la suivent jusqu’à un promontoire panoramique enchâssé entre un plan trapézoïdal tout en acier autopatinable, sculpturalement ajouré qui est planté verticalement et un édicule basculé vers le vide, de même facture, qui abrite, derrière les ajours de sa façade rouillée aux allures de vitrail, l’escalier et l’ascenseur desservant le niveau inférieur.

Univers intérieur… extraverti

Si l’on descend bien du ciel pour accéder au restaurant, ce dernier n’a rien d’une cave, pas plus que d’une caverne. De part et d’autre de la « cage » d’escalier, le bar où l’on vous accueille et la salle destinée aux 45 convives s’ouvrent intégralement sur le grand paysage qui captivera les convives. Amateur d’architecture et de design, Serge Vieira a commandé à Jacques Mansuy, artisan d’art ébéniste, autodidacte, originaire de Beaulieu, tout le mobilier dont les tables triangulaires aux angles arrondis pour installer sa clientèle face à la vue. Aux beaux jours, la terrasse en béton externalise la dégustation sous de grands parasols immaculés. Evoquant les volcans voisins, des cônes en pierre de lave, taillés dans les ateliers Thierry Courtadon, supportent sur chaque table, dans leur entaille, une lame d’acier sur laquelle sont disposées les mises en bouche ou autres friandises. Derrière sa façade en gabion lardée d’ouvertures et sous des puits de lumière en acier auto-patiné, la cuisine où s’affaire la brigade se révèle lumineuse et vit, elle aussi, au rythme des saisons. À l’opposé, également de plain-pied et à façade en gabion, trois chambres spacieuses. L’acier autopatiné tient lieu de lambris que modulent niches et télévision murale mais aussi de penderies en applique dans la cloison vitrée séparant la chambre de la salle de bain. Le couchage est surmonté d’un dais menuisé désolidarisé du mur et du plafond, dont la découpe au laser évoque fleurs, herbes et plantes sauvages dont se nourrit la carte. Les faux-plafonds du restaurant et des circulations sont ciselés, comme la vaisselle, d’un motif géométrique enchevêtré. C’est d’ailleurs la signature graphique de Relais & Châteaux. Fort de ses deux étoiles Michelin, le restaurant gastronomique du Château du Couffour, l’hôtel et le bistrot Sodade ouverts en 2019 dans le bourg continuent d’accueillir pour faire vivre « l’expérience Vieira ». En passeurs d’émotions, Marie-Aude Vieira et le chef Aurélien Gransagne, meilleur ouvrier de France 2018, fidèle et ami de longue date de Serge Vieira, préservent désormais cet héritage de haut vol laissé par le jeune chef trop tôt disparu.

Un lieu qui, selon les vœux du couple de restaurateurs, « laisse une empreinte personnelle durable, juste et sans artifice, au service de l’émotion ».
  • Maîtrise d’ouvrage : Commune de Chaudes Aigues
  • Maîtrise d’œuvre : Atelier 4
  • BET Structure : Rochard
  • Entreprises : BTP Andrieu (Gros-œuvre), Coston (Serrurerie), A.C.C. (Habillage acier)
  • Photos : Pierre Soissons