RÉNOVATION DU SIÈGE HISTORIQUE DE L’ORÉAL, 14 RUE ROYALE

« Discret » chef-d’oeuvre

Invisible depuis les rues Royale et Saint-Honoré, une pièce-monument irisée de forme ovoïde semble avoir été capturée dans la maille d’acier d’une spectaculaire nasse vitrée haute de trente mètres. Bien que trônant dans la cour, ce bijou va devenir le symbole architectural de L’Oréal qui reconvertit son siège originel en centre d’apprentissage, de formation et d’innovation baptisé Le Visionnaire – Espace François Dalle1.

Photo : Michel Denancé. Cette verrière en forme de spirale dont la dynamique conditionne sa stabilité́ dans l’espace abrite Le Visionnaire – Espace Francois Dalle.

Un concentré de créativité

Retenu parmi quinze architectes, Alain Moatti s’est inspiré d’un des aphorismes préférés de ce dirigeant visionnaire incitant ses collaborateurs à savoir « saisir ce qui commence ». Conçues par Ange-Jacques Gabriel – l’architecte de la Place de la Concorde et de l’artère Royale y conduisant –, les façades sur rues et la toiture XVIIIe de cet immeuble d’angle de cinq étages furent classées en 1949. Seule la cour autorisait donc une architecture contemporaine susceptible d’incarner symboliquement la marque. « Au 14 rue Royale, la beauté est la rencontre avec l’inconnu, commente Alain Moatti. Au cœur de la ville, nous avons édifié ce lieu inconnu protégé par une spirale de verre et d’acier dont la dynamique conditionne sa stabilité dans l’espace. Cette verrière abrite une pièce-monument qui donne son nom au projet et le symbolise tout entier. Lieu emblème, lieu d’événement et de travail, cette œuvre est le point de départ de toutes les inspirations : un accélérateur de l’esprit de création. Ici on pense, ici on cherche, ici on trouve ». Evoquant un œuf, l’ellipsoïde proposé formalise le concept de genèse mais les faisceaux de l’ossature qui le circonscrit peuvent aussi suggérer les circuits neuronaux stimulant un cerveau. Encore fallait-il pouvoir le mettre… en œuvre.

 

Un exploit technique   

Le défi de cet ouvrage inédit était multiple, impactant tant la charpente que l’enveloppe. En effet, Alain Moatti souhaitait que la verrière donne l’impression de n’être constituée que d’une seule vitre ininterrompue. Pour la concevoir, l’agence a basé son développement numérique sur la discrétisation dont elle maîtrise la technologie. Ce principe mathématique permet d’approcher une forme au plus près, c’est à dire de réaliser une forme complexe à partir d’éléments plus simples à fabriquer. Totalisant 28 tonnes d’acier, la charpente est composée d’une ossature primaire dont les tubes, pliés à l’aide d’un guide hélicoïdal, s’articulent sur 188 nœuds tous différents constitués d’un bloc d’acier massif fraisé et poli sur une machine CNC 5 à axes de pointe. Seize « patounettes » en V asymétrique en acier garantissent la connexion contrôlée de la charpente aux poutres de rives. Le challenge technique était aussi verrier. Tous uniques, les 188 panneaux de la verrière devaient offrir une réflexion continue et homogène malgré leur orientation distincte.

Photo : DR. Au coeur de la ville, enveloppé dans une cour historique, une pièce-monument.
Photo : Florence Joubert. La coupole ouvre sur le ciel de Paris.
Photo : Florence Joubert. 14 530 tubes pour le lustre de 450 m2 de la galerie ont été déployés.
Doc : Moatti-Rivière. Coupe latérale en perspective.

« L’utilisation par Bellapart du pliage à chaud contrôlé par CNC a marqué une avancée révolutionnaire. Ce processus a produit du verre trempé à double courbure et sphérique en une seule opération sans couture, intégrant le contrôle solaire, l’isolation thermique et la sérigraphie. Le projet a notamment introduit pour la première fois en France la technologie innovante de cintrage et de trempe du verre sphérique, un facteur essentiel pour donner vie au design visionnaire de l’architecte Alain Moatti ». Le caractère unique de chaque élément de façade a donc nécessité une approche innovante. Pour ce faire, l’entreprise catalane a utilisé un modèle 3D paramétrique et a lié la géométrie aux centres d’usinage CNC de son atelier. Chaque composant, y compris les nœuds, les éléments structurels, les profils de vitrage et de revêtement, a été généré individuellement pour atteindre la précision requise. La pose des 138 panneaux de Corian® de la coque du Visionnaire a fait l’objet d’autant de dextérité. L’innovation technologique a également concernée les dispositifs audiovisuels, les contenus digitaux mais aussi les ambiances sonores développées avec l’Ircam. « Je cherche à inventer des lieux qui appartiennent à tous par leur dimension symbolique. L’architecture est toujours la concrétisation d’un événement, d’un moment de culture, d’une conviction. Celle qui a présidé à la création du Visionnaire, c’est celle d’un monde où la beauté est l’alliance subtile de la technique et du mystère » conclue Alain Moatti. De la belle ouvrage au chef-d’œuvre, son architecture a franchi le pas !

Photo : Michel Denancé
Photo : Florence Joubert

Un escalier monumental permet d’accéder à la galerie dont le plafond se veut comme une onde, une lumière.

  • Maître d’ouvrage : L’Oréal SA
  • Maître d’œuvre : Agence Moatti Rivière
  • BET : RFR (façades), Aedis (structure)
  • Entreprise générale : Plendi ; charpente et verrière :
  • Constructeur métallique : Framatec

1 P-DG de L’Oréal depuis la mort de son fondateur en 1957 et jusqu’en1984, il fit de la PME le leader mondial de la cosmétique.