RÉGLEMENTATION RE 2020
De nouvelles règles plus vertueuses, une méthode contestable et largement contestée
Développement durable oblige, les futures constructions devront favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation des énergies fossiles, ainsi que l’efficacité énergétique et le déploiement d’énergies renouvelables. Disponible en grande quantité, facile à recycler et à industrialiser, l’acier s’impose, dans cette perspective, comme un challenger à prendre très au sérieux…
La nouvelle réglementation environnementale RE 2020 remplacera la RT 2012 qui, unique norme thermique dans la construction à respecter pour l’heure, réglemente et encadre les ouvrages neufs. La RE 2020 a fait l’objet de premiers arbitrages présentés par le ministère de la Transition écologique et solidaire le 24 novembre 2020. Plus ambitieuse pour lutter contre le changement climatique, la RE 2020, prévue par la loi Elan (Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique), avait pour vocation de s’appliquer aux constructions neuves, dès l’été 2021. Il s’agit pour l’État et les acteurs du bâtiment d’agir collectivement afin de réduire les émissions issues du bâtiment. « Avec la RE 2020, le gouvernement poursuit trois objectifs principaux : donner la priorité à la sobriété énergétique et à la décarbonation de l’énergie ; diminuer l’impact carbone de la construction des bâtiments ; en garantir la fraîcheur en cas de forte chaleur. » Mieux vaut le savoir : le secteur du bâtiment représente plus de 25 % des émissions de CO2 nationales en 2019 et se place en deuxième position après les transports. Pour la méthode à suivre, « le gouvernement a choisi que la RE 2020, en cohérence avec la stratégie nationale bas carbone, dessine une trajectoire progressive, notamment concernant les exigences constructives liées à la diminution de l’empreinte carbone ».
ATTEINDRE LA SOBRIÉTÉ ÉNERGÉTIQUE
Le premier objectif, relatif à la sobriété énergétique, incite à poursuivre la baisse des consommations des édifices neufs, en améliorant leur performance énergétique, où l’isolation sera prise en compte, quel que soit le mode de chauffage installé. Énergie décarbonée oblige, le recours à des modes de chaleur renouvelable (pompe à chaleur, biomasse, etc.) entraînera la disparition progressive des énergies fossiles dans les habitations, comme le chauffage au gaz. Il faudra également abaisser l’indicateur de besoin bioclimatique (Bbio) de 30 % sur les logements neufs, individuels et collectifs. Le coefficient Bbio représente le besoin en énergie (chauffage, climatisation, éclairage) d’un ouvrage pour rester à une température confortable, lié à la qualité de son isolation et de sa conception architecturale (orientation et disposition favorisant les apports solaires, isolation et compacité, protections solaires). Or pour garantir une décarbonation notoire des énergies fossiles utilisées, la RE 2020 fixera un seuil maximal d’émissions de gaz à effet de serre des consommations d’énergie, afin d’arrêter l’usage des énergies fossiles dans les édifices. Ce seuil sera de 4 kg CO2/m²/an pour l’habitat individuel et de 14 kg CO2/m²/an pour l’habitat collectif, dès 2021 ; ce dernier sera abaissé à 6 kg CO2/m²/an en 2024.
PRENDRE EN COMPTE L’IMPACT CARBONE
Le deuxième objectif, qui a trait à « une transition progressive vers des constructions bas carbone », encourage à employer majoritairement des systèmes constructifs à base de bois et de matériaux biosourcés. L’impact carbone d’un édifice sera pris en compte sur l’ensemble de son cycle de vie, en procédant à l’analyse de son cycle de vie dynamique – par rapport à l’ACV statique – qui attribue un poids plus lourd au carbone émis au moment de la construction qu’au carbone émis plus tard, en fin de vie du bâtiment. Un indicateur de stockage carbone sera calculé à titre informatif pour permettre d’afficher le taux de recours à la biomasse. À partir de l’indicateur de carbone en cycle de vie, mesuré en kg CO2/m² de surface de logement, la RE 2020 fixera des exigences compatibles avec la stratégie nationale bas carbone (SNBC) déployée.
Le but étant de baisser les émissions des secteurs industriels d’au moins 30 % en 2030, par rapport à 2013, un résultat que la RE 2020 déclinera ensuite pour le secteur du bâtiment. Cependant, diminuer de 30 à 40 % les émissions de gaz à effet de serre produits par la construction nécessite deux stades intermédiaires : moins 15 % en 2024, puis moins 25 % en 2027. Les matériaux émettant peu lors de leur fabrication et stockant du carbone dans les édifices, tels que le bois et les matériaux biosourcés, seront favorisés et largement prescrits à l’horizon 2030, y compris en structure des ouvrages, et aussi bien pour les maisons individuelles que pour le petit collectif. Mais pour faire face aux surcoûts générés par les constructions bois et biosourcées, le gouvernement prévoit un plan favorisant le développement d’une production nationale de bois de construction, tout en incitant les usages mixtes entre matériaux, tels que l’acier et le béton.
GARANTIR LE CONFORT D’ÉTÉ
Quant au dernier objectif, inhérent au confort d’été, il sera pris en considération systématiquement dans tout projet d’habitat qui s’adaptera aux changements climatiques à venir, en assurant un haut niveau de confort, lors des vagues de chaleur en particulier. La RE 2020 intégrera aussi le besoin de froid dans le calcul du besoin énergétique du bâtiment (Bbio). Ce dernier est soumis à des exigences renforcées se référant à un indicateur de confort d’été défini au moment de la conception de l’ouvrage, en degré heure (DH). Il s’agit du nombre d’heures dans l’année durant lesquelles le bâtiment dépasserait le seuil de 28 °C le jour et de 26 °C la nuit, multiplié par la différence entre la température simulée et l’écart avec la limite de 28 °C. Un seuil maximal de 1 250 DH, à ne pas dépasser et semblable pour toutes les régions de France, sera fixé par la RE 2020. Ce seuil, plus difficile à respecter dans le sud au climat chaud, impliquera des dérogations. De plus, la RE 2020 s’appliquera au fur et à mesure, et selon des seuils de plus en plus exigeants (2021, 2024, 2027 et 2030), et concernera l’habitat, le tertiaire et l’enseignement ; ce dernier domaine particulier fera l’objet d’un volet ultérieur (mi-2022).
MOBILISATION DE LA FILIÈRE ACIER-CONSTRUCTION ET DE L’ENSEMBLE DES INDUSTRIELS
Face à ces annonces gouvernementales et à la nouvelle méthode de calcul de l’ACV dynamique contestable, la filière acier, alliée à des industriels de la construction des secteurs du béton, de la terre cuite et des matériaux isolants, s’est mobilisée pour les dénoncer. Ils craignent de laisser passer des choix politiques qui seraient contreproductifs et mettraient en péril leur secteur d’activité. Ces industriels marquent leur opposition face à plusieurs incohérences constatées dans la RE 2020, comme celle du nouveau mode de calcul de l’empreinte carbone, de l’« analyse du cycle de vie (ACV) dynamique simplifiée » qui détrônerait l’ACV statique, normalisée, utilisée par tous les pays européens de manière homogène et qui a fait ses preuves. Cette ACV revue risque en effet de pénaliser les matériaux émettant au début de leur vie, alors qu’ils peuvent être par la suite capables de réduire leurs émissions, voire réemployés à émission zéro. Et cette nouvelle approche, qui transfère la responsabilité de la bonne gestion des émissions des matériaux des édifices construits aujourd’hui aux prochaines générations, est éthiquement discutable et contraire aux principes du développement durable. D’autant que ces professionnels du bâtiment investissent régulièrement et massivement pour décarboner leurs processus de production, afin d’assurer la transition écologique de ce secteur économique.
MIXITÉ DE MATÉRIAUX ET INNOVATION
Un autre aspect contestable de ce texte est qu’il favorise le bois et les produits biosourcés, au risque de les surconsommer, les capacités réelles de production de la filière bois restant en suspens. Si le bois stocke du carbone au cours de sa vie, il n’est pas toujours recyclable en fin de celle-ci et relâche alors le carbone emmagasiné. Si la RE 2020 introduit une distorsion de concurrence au détriment d’autres matériaux, tels que l’acier, elle n’encourage pas d’autres façons plus intelligentes et innovantes de bâtir les édifices de demain, au moyen de modes constructifs variés. Il serait peut-être plus judicieux de se pencher sur la conception même des bâtiments qui méritent une réflexion plus approfondie, en mettant en exergue la mixité de produits de construction et leur valorisation, au lieu d’en restreindre l’usage.
REPORT DE LA RE 2020
Depuis plusieurs mois, les constructeurs exprimaient leurs inquiétudes vis-à-vis de la RE 2020 et de son application prévue pour le 1er juillet 2021. Souhaitant que les exigences requises soient progressives, notamment en termes de seuils de consommation, ils réclamaient un délai supplémentaire et une phase de transition pour y apporter des ajustements et garantir une trajectoire soutenable, ainsi qu’un calendrier de mise en œuvre adéquat, en vue de la neutralité carbone prévue en 2050. Le ministère chargé du Logement a finalement tranché et annoncé le 18 février dernier que le texte ne s’appliquera aux permis de construire des logements neufs qu’à compter du 1er janvier 2022, offrant un délai supplémentaire de six mois au BTP pour mieux se préparer. Le calendrier modifié décale les seuils d’émissions carbone d’un an pour l’habitat individuel, et à 2025, 2028 et 2031 pour le collectif.
L’ACIER, EN PREMIÈRE LIGNE
Présent en grande quantité et facile à industrialiser, l’acier occupe une place de choix dans la perspective de la RE 2020. Léger et maniable, il est combinable avec d’autres matériaux (béton, bois…) pour former les structures des bâtiments et les optimiser, dans un souci d’économies de ressources et de coût. Concernant l’impact carbone et la prise en compte des émissions du bâtiment sur son cycle de vie liés à la RE 2020, le mode de construction hors site, à partir de systèmes constructifs industrialisés en acier ou mixtes, apparaît comme une réponse pertinente pour générer un gain de temps certain sur le chantier. Si l’acier, transporté des ateliers au lieu d’assemblage, permet un travail en petit nombre et en haute sécurité, la baisse d’environ 39 % de la circulation des camions sur le site, réduit les émissions carbone. Il est donc devenu essentiel de repenser la conception même des édifices, en privilégiant leur flexibilité et leur adaptabilité dans le temps, en suivant les besoins des usagers. L’acier est vraiment le matériau adapté puisqu’il est assemblable, démontable, réemployable et recyclable à l’infini.