RECONVERSION DU SITE INDUSTRIEL DE BELVAL À ESCH-SUR-ALZETTE, LUXEMBOURG
Quand l’acier fait cité
Jusqu’à la fin de l’année 2022, Esch-sur-Alzette est capitale européenne de la culture. Une occasion de visiter le quartier de Belval, construit sur le site d’une ancienne aciérie, emblématique des reconversions du patrimoine sidérurgique qui se poursuivent dans toute cette région du sud du Luxembourg.
Le site industriel de Belval a joué un rôle majeur dans le développement du Grand-Duché. L’ouverture en 1909 d’une aciérie exploitant la « minette » — du minerai de fer sous forme de paillettes microscopiques — de la pointe nord du bassin ferrifère lorrain a entraîné un essor économique et un afflux de population tel que la région reste la plus peuplée du Luxembourg derrière la capitale. Après un âge d’or, le bassin sidérurgique amorce son déclin au début des années 70, des deux côtés de la frontière. Des trois hauts-fourneaux A, B et C de Belval, deux sont mis à l’arrêt en 1995 puis 1998, tandis qu’un autre est vendu à la Chine en 1996. La partie est du site, équipée de fours électriques, continue son activité sidérurgique jusqu’à ce jour.
DES HAUTS-FOURNEAUX SUR UN PLATEAU
La question du devenir de cette zone de 120 ha se posait d’autant plus qu’elle se situe en grande partie sur le territoire d’Esch-sur-Alzette, la deuxième ville du pays avec 31 000 habitants. Le gouvernement luxembourgeois a affecté le site à une « cité des sciences, de la recherche et de l’innovation », avec une programmation mixte d’habitat, d’université et d’activités. Le réaménagement du secteur a débuté en 2002 sous la direction du Fonds Belval avec la société Agora, sur la base d’un schéma directeur attribué par concours à l’architecte Joe Coenen. Le trait de génie de l’aménageur a été de conserver les hauts-fourneaux A et B et d’en faire le centre du quartier. Une innovation si l’on considère les différentes stratégies de reconversion des sites sidérurgiques de la région. La France avait adopté une logique de « traitement des friches », qui conduisait à transformer les terrains industriels en parcs. En conservant intégralement l’aciérie de Völklingen, dans la Sarre, l’Allemagne consacrait l’industrie comme élément du paysage et inventait un nouveau type de monument qu’il n’était pas, au départ, question de maintenir en l’état, mais d’accompagner dans sa lente dégradation.
ALCHIMIE URBAINE
À Belval, les hauts-fourneaux fondent l’identité du nouveau quartier. Sur la place centrale baptisée « terrasse des Hauts-Fourneaux », ils dressent leur masse étrange à la façon d’éléments naturels : tels une colline, on monte à leur sommet pour découvrir le panorama. Absorbée dans la ville, l’usine s’est reconfigurée, une partie de ses installations a été démontée pour laisser de l’espace à des places publiques et des espaces piétons.
Le plan paysager conçu par Michel Desvigne prolonge et réinterprète ce monde d’acier. Un revêtement en pierre grise unifie les sols, cédant parfois sa surface à des plans d’eau délimités par des margelles en acier inoxydable. Les massifs de béton au rez-de-chaussée des hauts-fourneaux abritent des commerces et des restaurants. À la recherche d’un compromis entre conservation totale et démolition, le Fonds Belval a imaginé les manières de réintégrer de grands éléments de l’aciérie à un projet global, quitte, parfois, à réduire des surfaces, comme sur la halle des coulées du haut-fourneau B, devenue une salle de spectacle.
La Möllerei, grande halle de stockage du coke, longue de 500 m, a été reconvertie dans sa partie nord en bibliothèque universitaire (Valentiny Architectes), et un lieu d’exposition vient d’être inauguré sur sa partie sud, aussi brut que la bibliothèque est raffinée. Tandis que des projets neufs éclosent autour des hauts-fourneaux, spectaculaire à l’instar de la maison du Savoir (Baumschlager Eberle, 2016), la reconversion du site doit se poursuivre par la réhabilitation de la halle des soufflantes, un quadrilatère de 160 m par 60 qui pose de nouveaux défis programmatiques. Transmuter le fer en ville, la mission ardue, mais passionnante, de ces alchimistes urbains.
- Maîtrise d’ouvrage : Agora ; Fonds Belval
- Architectes : Joe Coenen Architects & Urbanists (JCAU)
- Paysagiste : Michel Desvigne