PENSER ET CONSTRUIRE « MIXTE » :

LE CHAMP LIBRE AUX INNOVATIONS TECHNIQUES ET ARCHITECTURALES

La combinaison de matériaux séduit toujours pour sa capacité à intervenir sur tous types de bâtiments – anciens et neufs, et d’échelles et destinations diverses – afin d’enrichir les expressions architecturales et les techniques de construction qui profitent des qualités de chacun d’entre eux. L’acte de construire « mixte » implique de revoir l’organisation du chantier et les modes de construction, les différents acteurs du projet, tels qu’architectes, ingénieurs, entreprises et industriels œuvrant ensemble, selon une démarche pluridisplinaire fructueuse. L’acier demeure le matériau approprié pour préfabriquer des composants faciles à poser, en filière sèche, et recyclables, en maîtrisant les coûts générés, dans une optique de frugalité et de décarbonation du secteur du bâtiment.

Repenser les modes constructifs dans le sens d’une mixité intelligente amène à repenser de façon globale les bâtiments, en termes de fonctions et d’adaptabilité. La mixité de matériaux -qui ne date pas d’aujourd’hui et concerne aussi bien les bâtiments anciens que nouveaux- porte sur la structure de l’ouvrage et son enveloppe qui font l’objet de nombreuses recherches tant architecturales que techniques, le noyau béton assurant le contreventement et le coupe-feu nécessaires. Associer l’acier à du bois, du béton, de la pierre, de la brique ou du verre, permet de poser chaque matériau à sa juste place et selon ses particularités, en vue de réduire l’empreinte carbone de chaque édifice et les consommations d’énergie. Chaque matériau mis en œuvre est optimisé, lorsqu’il est utilisé de manière rationnelle, et dans une perspective de réduction des délais de chantier et de performance économique, en laissant libre cours à la création architecturale. Les solutions techniques innovantes déployées doivent être plus durables et maîtrisées pour répondre aux réglementations thermique, acoustique, incendie et sismique en vigueur. La construction métallique occupe une place de premier ordre pour son aptitude à mettre en œuvre des processus structurels et industriels, flexibles et évolutifs, adaptés à chaque édifice, les acteurs de la filière acier étant depuis longtemps engagés dans la voie du développement durable.

Photo : Vinci-2014 Stade Matmut Atlantique, Bordeaux ; Herzog et de Meuron, architectes, 2014. Le stade se compose une ossature en béton qui soutient une impressionnante charpente métallique constituée de 644 poteaux blancs en acier laqué, élancés, support du toit.

STRUCTURES HYBRIDES ET PÉRENNES : UN ÉLOGE DE LA DIVERSITÉ !

La construction d’un ouvrage se rapporte, d’une part, à son squelette ou structure, et d’autre part, à son enveloppe, les éléments structurels, repérables et signifiants, différant de ceux de l’enveloppe. Les ossatures des ouvrages, imaginées conjointement par les architectes, les ingénieurs et les entreprises, entremêlent souvent de l’acier à du bois et/ou du béton, en rationnalisant leur pose. Envisagée comme un tout, chaque ossature mise en œuvre prend en compte les contraintes de résistance, de déformation et de fiabilité des divers matériaux qui travaillent ensemble, la mixité apportant une réponse adéquate, plus efficace et plus nourrie qu’un unique matériau. En sus, la mixité de fonctions permet de rentabiliser l’ouvrage et de lui offrir davantage de flexibilité d’usage. Bon nombre d’ouvrages ont été construits selon ce principe, tel le stade Allianz Riviera de Nice de 36 000 places, multifonctionnel, édifié en 2013 par l’architecte Jean-Michel Wilmotte. Sa silhouette légère tient à sa membrane en ETFE détachée de sa charpente, formée d’entretoises d’acier greffées sur une résille en bois. Ce dispositif ingénieux optimise la résistance de la structure et réduit son empreinte carbone. De même, pour le stade Matmut Atlantique de Bordeaux, polyvalent, édifié en 2014 par les architectes Herzog et de Meuron, son ossature en béton soutient une vaste charpente métallique composée de 644 poteaux d’acier. Autre expression avec la fondation Louis Vuitton à Paris (16è), bâtie en 2014 par l’architecte Frank Gehry. Logeant également une librairie et des réserves, ce musée d’art, de forme complexe, comporte une ossature béton et une charpente à géométrie variable qui mixe des éléments d’acier et de bois, et des voiles de verre. L’union de ces trois matériaux sculptés sublime l’ouvrage.

Photo : Carol Maillard Stade Allianz Riviera, Nice ; Jean-Michel Wilmotte, architecte, 2013. La silhouette légère et aérienne de ce stade tient à sa membrane en ETFE d’enveloppe, détachée de sa charpente, formée d’entretoises d’acier greffées sur une résille de bois.
Photo : Carol Maillard Fondation Louis Vuitton, Paris (16è) ; Frank Gehry, architecte, 2014. Ce musée d’art, de forme très complexe, comporte une ossature béton et une charpente à géométrie variable qui entremêle des éléments d’acier et de bois, et des voiles de verre.

ENVELOPPES : TOITURES ET VERRIÈRES PÉRÉNNISÉES

L’enveloppe d’un ouvrage -aux innombrables modénatures, dimensions et formes- sert de couverture pleine ou vitrée dans le cas d’une verrière, ou bien englobe la toiture et les façades, quand elle est intégrale. Composée d’une ossature assemblant plusieurs matériaux, elle offre aux architectes une grande liberté conceptuelle, doublée d’une approche de développement durable générant des économies d’énergie. Le parc aquatique Aqualagon réalisé à Bailly-Romainvilliers, en 2018, par l’architecte Jacques Ferrier, abrite également des espaces de loisirs, un café, une boutique et une infirmerie. L’ample chapiteau en spirale, enrobé de verre, laisse pénétrer la lumière au sein du bâtiment et repose sur un socle en béton qui supporte une charpente en poutres de bois lamellé-collé portées par des poutres treillis à membrures en BLC, triangulées par des pièces d’acier. Cette hybridation maîtrisée de matériaux est liée à la démarche écologique chère à l’architecte. Sachant que les toitures de bâtiments, dotées de formes et matériaux variés, confèrent aux ouvrages leur identité architecturale. Le terminal 2 E de l’aéroport Charles-de-Gaulle à Roissy, reconstruit en 2008 par l’architecte Paul Andreu, compte une charpente de 152 arches d’acier supportant une verrière, la voûte interne en lames de bouleau étant suspendue aux poutres treillis. Une expression épurée qui, mêlant acier, verre et bois, baigne de lumière naturelle le volume. Quant au centre commercial Lyon Confluence signé de l’architecte Jean-Paul Viguier (2012) et assorti d’un multiplexe, il est couronné de verrières cintrées en coussins d’ETFE qui s’appuient sur une charpente d’acier, les façades en murs rideaux se parant de bois.

Photo : Luc Boegly Parc aquatique Aqualagon, Bailly-Romainvilliers ; Jacques Ferrier, architecte, 2018. Ce complexe repose sur un socle en béton qui supporte une charpente en poutres de BLC portées par des poutres treillis à membrures en BLC, triangulées par des pièces d’acier.

FAÇADES ET DOUBLES PEAUX SUR-ISOLÉES

D’autres types d’enveloppes, réalisées en façade, permettent de les isoler et les protéger, comme les bardages double peau apposés sur des murs béton, améliorant leur isolation thermique et acoustique, ou encore les double peaux rapportées -ajourées ou pourvues de brise-soleil- accroissant le confort interne des espaces. Double peau filtrante et isolante oblige, la médiathèque de Bayeux, créée en 2019 par l’architecte David Serero, comprend une structure en béton et une façade principale à mur-rideau, protégée par des barres colorées insérées dans des cadres de métal servant de méga pare-soleil : un clin d’œil à l’illustre tapisserie de Bayeux. Une typologie différente, avec les bâtiments emballés de peaux aux textures et teintes variées, comme la salle de spectacles du Zénith Europe de Strasbourg, bâtie en 2008 par l’architecte Massimiliano Fuksas, et dotée d’une coque en béton et d’une charpente en acier enveloppée d’une membrane orange tendue, renouvelable. De même, pour le zénith de Rouen qui, réalisé en 2001 par l’architecte Bernard Tschumi, se compose d’une double coque en charpente acier isolée, enveloppant les gradins et escaliers en béton. Ce système d’entre-deux, qui ménage un déambulatoire, permet de protéger les volumes intérieurs.

Photo : Carol Maillard. Zénith Europe de Strasbourg ; Massimiliano Fuksas, architecte, 2008. À vocation polyvalente, la salle de spectacles compte une structure mixte, avec une coque en béton et une charpente en acier, enrobée d’une membrane orange tendue, repérable.

FAÇADES PARÉES DE BRISE-SOLEI :
CONFORT THERMIQUE ET ÉCONOMIES D’ÉNERGIE

Pour pouvoir réguler les apports solaires d’une façade, celle-ci se dote d’une série de brise-soleil en verre, fixes ou orientables, et actionnables manuellement ou mécaniquement. Ces pare-soleil -fixés directement sur la façade ou bien au moyen d’une double peau active- contribuent à mieux gérer la température intérieure des espaces et à engendrer des économies énergétiques notoires. Pour le Phare de Chambéry, lieu polyvalent conçu en 2008 par l’agence Patriarche & Co, l’ossature en béton, enveloppée d’une double peau courbe en charpente acier et brise-soleil de verre, fait pénétrer la lumière naturelle dans le volume, et régule les apports solaires et les températures. Un tout autre type de projet pour la tour tertiaire Agbar, à Barcelone, en Espagne, réalisée en 2005 par l’architecte Jean Nouvel. Construite en béton, cette tour ovale de 142 de haut présente une façade double-peau filtrante alliant un bardage d’acier prélaqué de divers coloris à des lames pare-soleil en verre orientables, permettant une régulation thermique interne. Un cas différent avec l’hôtel de région Auvergne qui, bâti à Clermont-Ferrand en 2015 par l’architecte Bruno Mader et l’agence Atelier 4, recèle un socle en béton et une structure en bois lamellé-collé de Douglas. Son enveloppe-résille comporte une double-peau transparente, conjuguant une charpente en bois à des ventelles en verre tenues par une fine ossature d’acier. En termes d’écologie, l’immeuble bénéficie aussi de patios plantés surmontés de verrières à structure d’acier revêtues de cellules photovoltaïques, vouées à réduire les consommations d’énergie.

Photo : Hervé Abbadie
Hôtel de région Auvergne, Clermont-Ferrand ; Bruno Mader et agence Atelier 4, 2015.
Le bâtiment recèle un socle en béton et une structure en bois lamellé-collé, son enveloppe-résille alliant une charpente bois à des ventelles de verre, tenues par une fine ossature d’acier.

CONSTRUCTION FRUGALE ET RÉEMPLOI : UNE DOUBLE PRIORITÉ

L’acte de construire avec moins de matière, mieux répartie dans un édifice, peut se conjuguer avec certains éléments réemployés, comme des composants acier facilement déconstructibles en fin de vie d’un ouvrage et recyclables à volonté. Les matériaux récupérés -provenant de bâtiments démolis ou d’anciens sites industriels- sont récupérés tels quels ou bien remis en état, en garantissant leurs performances mécaniques. En recourant au réemploi de produits en acier, la filière participe ainsi à la neutralité carbone, en préservant les matières premières. Les pièces d’acier préfabriquées, durables et d’usage flexible et évolutif, sont aptes à plusieurs vies, en vue d’un réemploi en plein essor, leur mise en place optimisée générant un gain de temps et de coût conséquents sur le chantier. Projet pionnier de cette pratique innovante, l’opération BedZED (ou Beddington Zero Energy Development), de 82 logements, bureaux, commerces et équipements, édifiés en 2002 par le cabinet Bill Dunster Architects, dans le quartier résidentiel Sutton de Londres, au Royaume-Uni. Sa singularité a trait aux 95% de la structure acier des bâtiments, issus d’éléments récupérés localement dans des décharges ou auprès d’entreprises de démolition. Un autre exemple novateur concerne la transformation en 2022 du bâtiment des Canaux (1882), en une Maison des Économies Solidaires Innovantes, quai de Seine à Paris (19è), vraie vitrine de l’économie circulaire. Le chantier vertueux -mené par la Ville de Paris et l’agence d’architecture Grand Huit- a utilisé 70% de matériaux issus du réemploi qui valorisent les déchets du bâtiment. Suivant un protocole strict de requalification, les poutres métalliques récupérées d’un ancien hangar ont été assemblées et posées sur le site pour créer la structure de la terrasse et de sa pergola.  Les entreprises impliquées ayant proposé, pour cette réhabilitation spéciale, divers matériaux et produits de construction (poutrelles, portes palières, mobilier…).

Photo : DR. Opération BedZED de 82 logements, Londres, Royaume-Uni ; cabinet Bill Dunster Architects, 2002. Sa singularité tient au fait que 95 % de la structure acier des bâtiments sont issus d’éléments récupérés localement dans des décharges ou auprès d’entreprises de démolition.