PATRICK LE PENSE

« Cap sur la construction durable et l’économie circulaire ! »

Premier président issu du monde de la sidérurgie, Patrick Le Pense, élu au mois de mai dernier à la tête de ConstruirAcier, entend bien placer la construction durable et l’économie circulaire au cœur de la stratégie de l’association. Volontaire, ce spécialiste de la construction acier a fait sienne la phrase de Winston Churchill : « We shall never surrender ! »

Quel est votre parcours ?

Après un bac C obtenu en 1979, puis deux années de classes préparatoires Maths Sup Math Spé, j’ai été admis à l’École nationale des ponts et chaussées pour en sortir ingénieur civil des ponts en 1984. Après un an de service militaire dans l’armée de l’Air – je suis officier de réserve –, j’ai intégré le groupe sidérurgique Usinor. Mon premier job, et c’est très intéressant quand on y pense, consistait à promouvoir les solutions acier ou à les développer dans le domaine du résidentiel. Il s’agissait de chantiers expérimentaux réunissant différents acteurs dont les grandes entreprises générales, les bureaux d’études et des constructeurs métalliques. Nous avions la chance, à l’époque, de bénéficier de crédits de catégorie 1 pour l’innovation qui, ajoutés au 1 % logement, assuraient l’équilibre financier du projet. Nous avons ainsi réalisé quelques opérations intéressantes qui existent toujours. Mais passé l’effet d’aubaine, le modèle n’a pas perduré. Avec la naissance du groupe européen Arcelor issu de la fusion avec Usinor, j’ai rejoint le nouveau département marketing qui incluait une partie construction. J’ai pris en charge l’aspect produit de la construction, en l’occurrence, le prélaqué ; et les évolutions des aciers dans le domaine des ouvrages d’art. C’était la grande époque de la conception des ouvrages mixtes pour les TGV. Pour nous, cela a été un vrai succès. En 1989, je passe aux produits longs en devenant directeur produit poutrelles au sein du groupe pour, ensuite, rejoindre l’agence France d’Europrofil, une filiale commune. Dans le même temps, Usinor-Sacilor avait créé un département BTP sur le modèle de ce qui existait chez British Steel pour faire la promotion de l’acier dans la construction. Une équipe dédiée était ainsi chargée d’aller voir les agences d’architecture, les économistes, les BET, les maîtres d’ouvrage, les institutionnels pour notamment monter ensemble des projets, réaliser des actions et opérations de communication (séminaires, visites…). J’animais cette équipe de délégués régionaux et je dois dire que nous avons bien travaillé le marché français. Je dirais même plus : nous l’avons labouré ! Le résultat paraît dans la BatiÉtude que nous avons mise en place à l’époque : en 1992, la part de marché de l’acier en structure dans les bureaux s’élève à 18 % contre… 40 % en 1997 ! Puis après un passage de cinq années au CTICM2 en 1998, j’ai retrouvé le groupe devenu ArcelorMittal pour prendre la direction du département Building Construction Support. L’objectif : s’étendre à l’international. Mais la crise de 2008 a complètement changé la donne et obligé à une restructuration en profondeur. Nous avons gardé une cellule transformée en bureau d’études rattaché à ArcelorMittal Construction. Là encore, j’ai travaillé sur le marché du résidentiel. En 2012, la crise a de nouveau tout remis en cause.

Aujourd’hui, quelles sont vos missions ?

Depuis 2014, j’occupe le poste de directeur Marketing Innovation Construction au sein de la division produits plats Europe du groupe ArcelorMittal, pour les aciers prélaqués en particulier. Notre stratégie est fondée sur trois piliers : la durabilité ; l’impact environnemental et donc, évidemment, l’empreinte carbone ; enfin, l’esthétique. Ma fonction recouvre ainsi toute la politique produit et segment, action marketing, développement, suivi et orientation de l’innovation et communication. Parallèlement, j’anime un groupe de travail chargé de traiter tous les détails des évolutions du catalogue produits d’ArcelorMittal Europe Flat. C’est à la fois complexe et passionnant.

Vous avez choisi de vous présenter à la présidence de ConstruirAcier, quelles en sont les raisons ?

D’une part, je suis très attaché, historiquement, à la promotion des aciers dans la construction. Je suis convaincu que nous avons besoin d’organismes capables de mener des actions que les sociétés commerciales n’ont plus les moyens d’assurer par elles-mêmes. Celles-ci, d’autre part, ne sont pas en mesure de pouvoir délivrer un discours unitaire. Même avec la meilleure volonté du monde, on soupçonnera toujours que si ArcelorMittal présente un sujet, c’est bien pour faire la promotion de ses produits.
Et c’est logique ! Il est donc important de pouvoir compter sur des organisations capables d’avoir une certaine forme de neutralité, en tout cas, détachées du business… Je considère enfin que les organisations de promotion sont absolument légitimes sur un certain nombre de sujets de préparation de l’avenir. Je pense à l’information technique en général, à l’enseignement, à la relation avec un certain nombre de corps institutionnels, dans le domaine de la construction. Très franchement, je ne vois pas du tout le groupe ArcelorMittal aller discuter avec le Conseil national de l’Ordre des architectes. Ce serait une erreur. Enfin, je remarque que ConstruirAcier n’a jamais eu de président issu de la sidérurgie, c’est désormais le cas !

Quelle est la feuille de route de ConstruirAcier ?

Nous ouvrons clairement un nouveau chapitre dans la vie de l’association. Certes, celle-ci doit plus que jamais poursuivre son activité, mais j’ai la conviction que nous devons consacrer l’ensemble des ressources dont nous disposons aujourd’hui et dont nous disposerons demain, quelles qu’elles soient, à cette exigence : positionner l’acier comme l’un des matériaux préférés pour la construction durable et l’économie circulaire, et ce dès maintenant. En conséquence, la feuille de route est déjà toute tracée pour l’association qui orientera, désormais, l’ensemble de ses actions sur deux défis majeurs de la construction : la construction durable, en premier lieu, l’empreinte carbone, mais pas uniquement, et la circularité. Nous allons donc construire toute la stratégie de la filière acier-construction autour de ces deux enjeux majeurs. Nous sommes, je le répète, une filière, et il me paraît fondamental aujourd’hui d’avoir un langage commun.