MUTATION DE LA POSTE DU LOUVRE, PARIS
LE CACHET DE LA POSTE
Inauguré en 1888 après dix ans de travaux, l’Hôtel des Postes de la rue du Louvre illustre alors la volonté de la IIIe République de valoriser architecturalement ses nouvelles institutions. Occupant tout un îlot au cœur de Paris, ce palais industriel vient de se muer, sous le crayon de Dominique Perrault, en un complexe immobilier plein d’urbanité, bientôt couronné d’un… hôtel !
LA POSTE DE GUADET
Julien Guadet quitte l’atelier d’Henri Labrouste quand les Beaux-Arts remplace son maître par Viollet-le-Duc dont il combattra toute sa carrière l’approche historiciste. Devenu à 30 ans 1er Grand Prix de Rome en 1864, il collabore avec Charles Garnier à l’achèvement de l’Opéra de Paris. Architecte des bâtiments civils, il est détaché en 1878 par le ministre des Travaux publics auprès de son collègue des Postes et Télégraphes pour concevoir l’Hôtel des Postes de la rue du Louvre. En charge du tri et de la distribution du courrier de tous les arrondissements parisiens, il fut conçu comme une « usine postale ». « À l’arrière de la partie publique de la poste, se dressait la plus grande partie des 30 000 m2 environ, notamment constituée de quatre « nefs » identiques, jumelées deux à deux au rez-de-chaussée et au premier étage. » Mais il faut surtout retenir le côté visionnaire et l’approche durable de son concepteur. « Un hôtel des postes est un outil. Les besoins industriels de la poste varient constamment. Non seulement l’importance de l’outil varie, mais aussi la proportion de ses parties. (…) et cet outil, quel qu’il soit, ne fera qu’un temps, un temps assez court. Il durera tant qu’il correspondra aux besoins industriels à satisfaire (…). Un hôtel des postes, si important qu’il soit, est, par définition, un édifice provisoire, en tout cas, transformable. » Derrière ses façades classiques en pierre autoportantes, il imagine une ossature entièrement métallique de type Eiffel, supportant trois niveaux, dont un entresol, susceptibles d’être redistribués ultérieurement. Jusqu’à 2 000 personnes s’activaient nuit et jour dans cet industrieux monolithe introverti autour de sa vaste cour centrale où 200 chevaux assuraient le voiturage des plis. Anticipant ses futures transformations, Guadet avait ajouté à la majestueuse entrée publique sur socle sous arcades du côté rue du Louvre d’élégants pavillons sur chacune des trois autres façades de l’îlot pouvant accueillir dignement d’éventuelles activités à venir.
LA RÉALITÉ AUGMENTÉE DE DOMINIQUE PERRAULT
Si La Poste demeure une des dernières industries de main-d’œuvre en centre-ville, l’optimisation régionale et métropolitaine de ses activités a permis de « libérer » la poste centrale du Louvre de son centre de tri. Au titre de la valorisation de son patrimoine, Poste Immo lance, dès 2011, des études de programmation afin de faire renaître ce monument désormais au cœur d’un nouveau triangle d’or réinvestissant plusieurs trésors architecturaux (Bourse de commerce, Samaritaine…). Le projet lauréat de Dominique Perrault offre « au bâtiment une « réalité augmentée », en termes d’usage et d’identité ». Cinq passages parisiens ouvrent les quatre pavillons sur la cour, démultipliant ainsi les accès aux différentes activités. Le rez-de-chaussée comprend désormais le bureau de poste – ramené à 700 m2 –, treize commerces et les accueils du commissariat de police, d’une halte-garderie, de 17 logements sociaux, de 14 400 m2 de bureaux et d’un hôtel 5* de 82 chambres – investissant le 3e étage en surélévation –, ainsi que la rampe d’accès aux deux niveaux de sous-sol, dont un creusé en sous-œuvre. Construite jadis par l’entreprise Baudet Donon et Cie et à nouveau visible dans sa quasi-intégrité, l’ossature originelle en excellent état – à l’exception d’un seul poteau reconstitué –
se prêta à la redistribution des trois plateaux de bureaux (R + 1 et ses mezzanines, R + 2) aux très confortables hauteurs sous plafond. Hormis les façades sur cour réalisées en aluminium, l’ensemble des menuiseries extérieures et intérieures (coupe-feu, pare-balles) est en acier. Des châssis cintrés concaves toute hauteur viennent « se dédouaner » des allèges maçonnées existantes engendrant un effet baies libres depuis la rue et faisant écrin aux potelets fonte extérieurs. Le traitement acier des trumeaux intérieurs agit à la façon d’une « doublure de veste » escamotant descentes des eaux pluviales, isolation, câbles… Le dernier étage et sa toiture-terrasse accessible, créés en superstructure, reposent sur de sobres poteaux ronds en acier qui traversent – sans se cacher – les niveaux inférieurs. Les chambres de l’hôtel donnant sur la cour jouissent de belles loggias dont la maille acier périmétrique – identique à celle des parois – servira de treillage à la végétation grimpante prévue. Afin d’harmoniser ancien et neuf, l’œuvre métallique a été intégralement peinte en noir, mais en jouant sur une multitude de finitions (satiné, mat, grainé, anodisé, thermolaqué…). Quel cachet !
- Maître d’ouvrage : Poste Immo
- Architectes : Dominique Perrault, Jean-François Lagneau (ACMH), agence Calq (MOE)
- BET structure : SNC-Lavalin