MUSÉE DOBRÉE À NANTES :
EXERCICE DE STYLES

L’acier comme fil rouge

Dans le quartier Graslin à Nantes, le musée Dobrée était architecturalement tout aussi éclectique que sa collection rassemblée par Thomas Dobrée, héritier d’une riche famille d’armateurs.
La restructuration du manoir médiéval originel, du palais néo-roman 19e siècle et de l’extension brutaliste des années 1970 se devait de  conférer une identité singulière au(x) lieu(x). La subtile intervention d’Atelier Novembre leur insuffle cette unité – espaces verts compris – à laquelle l’acier autopatinable tient lieu de fil rouge.

Parvis du musée, bâtiment Voltaire, entrée principale.
Le musée Dobrée, dans le centre-ville de Nantes, regroupe un manoir, un palais et un bâtiment d’époques différentes, tous trois rénovés en profondeur.

Infuser de l’évidence

Caractérisant les nouvelles interventions, ce matériau unitaire se déploie sur le glacis de la rampe accompagnant dès l’entrée le visiteur le long du manoir épiscopal dont il architecture l’extension le redistribuant verticalement, charpente le généreux auvent confortant les aménités d’accueil du bâtiment moderne Voltaire et cadre l’incision créée dans le jardin central. Mais cette mutation visuelle n’est que la partie émergée de la très lourde restructuration ayant été menée par les concepteurs pour unifier et fluidifier le parcours au sein des trois édifices. A priori contraignante, la déclivité du terrain s’est révélée propice à leur desserte partagée en partie souterraine sans pour autant être aveugle que complète une étonnante salle polyvalente modulable. De même, la distinction contrôlée entre espaces verts publics et jardin botanique muséal a ainsi pu se faire. L’élégante muséographie conçue par Adeline Rispal a largement mis en œuvre l’acier.

Patine unitaire

« Ici, l’acier autopatinable S355 est décliné sous toutes ses formes : bardage en tôle plane, bardage à épines, éléments ornementaux découpés, clôtures… aussi bien en extérieur qu’en intérieur, explicitent Marc Iseppi et Jacques Pajot, les architectes. Les tôles ont été livrées et stockées sur site brut. En effet, l’acier autopatinable se façonne essentiellement avant le début de l’oxydation. Les découpes, calepinages et façonnages ont tous été réfléchis dans l’optique d’optimiser la matière en limitant le nombre de chutes à partir d’une tôle de dimensions standard 1500 mm x 3000 mm. Les éléments de bardages et de sur-toitures sont composés de tôles fines laminées à froid allant de 2 à 3 mm. Devant pouvoir s’oxyder des deux côtés pour maximiser sa stabilité, le Corten est fixé sur un système d’ossature en profilés galvanisés qui le distancie de la structure principale. ».

Le parvis du musée, entrée principale.
Les extensions du âtiment Voltaire et du Manoir, vues sur le rez-de-parvis et le rez-de-jardin.
Extension Voltaire : axonométrie de la structure.
Extension du manoir : lame Corten
Extension Voltaire : calepinage de la toiture.
Extension du manoir : lame Corten
Extension du manoir : lame Corten.

Les portiques composant la charpente de la véranda au devant du bâtiment Voltaire côté parvis – distribuant désormais l’accueil, la boutique, le café, les vestiaires et les espaces pédagogiques – sont constitués de poteaux tubulaires 150 x 100 et de poutres IPE 140 à 300, contreventés en façade par des tirants métalliques en croix de Saint-André. Sa sur-toiture est posée sur des chandelles adaptées aux besoins structurels et aux volontés de calepinage des tôles de couverture, celles-ci étant démontables et dimensionnées pour supporter le poids du technicien. Constituée de portiques HEA 200 et IPE, la charpente asymétrique de l’extension du manoir repose sur huit poteaux béton (sorte d’échasses) dont chaque arase supérieure diffère afin d’engendrer l’élancement est/ouest recherché pour le pignon sud. Sa couverture en cuivre-pré-oxydé à tasseaux s’harmonise aux variations de l’acier autopatinable. « Les profilés du commerce en acier autopatinable ne correspondant pas à notre dess(e)in, les épines de cette extension procèdent d’un assemblage in situ de profilés laminés à chaud. Un premier profilé U est fixé aux traverses horizontales principales en acier laqué. Les hauteurs conséquentes des épines ont nécessité un assemblage de 2 à 3 éléments reliés par un second U ; elles ont été montées au sol puis fixées élément par élément au premier U. Cette technique a permis un alignement parfait des vis de fixation mais également des joints nécessaires à la bonne dilatation de l’ensemble. Pour une meilleure intégration de la visserie, le choix s’est porté sur des vis inox à tête laquée. ». Afin de se prémunir de toute coulure de rouille, des caniveaux, des joints creux ou des bandes stériles gravillonnées ont été positionnés au pied de chaque élément extérieur oxydable. Riveté à son ossature primaire, l’acier autopatinable utilisé en revêtement mural intérieur a été oxydé artificiellement à la main grâce à une solution saline puis stabilisé avec un vernis. Le réordonnancement de ces architectures disparates non classées a engendré un musée à taille humaine et décomplexé en osmose avec l’originalité d’une collection singulière !

  • Maître d’ouvrage : Département de Loire-Atlantique
  • Maîtres d’oeuvre : Atelier Novembre (architecte mandataire) ;
    Atelier Donjerkovic (architecte du patrimoine) ; Ateliers Adeline
    Rispal (scénographie) ; Atelier Moabi (paysage)
  • BET TCE : Oteis
  • Entreprises : Bouygues Bâtiment Grand-Ouest (BBGO) ;
    Eiffage ; Ouest Structures
  • Documents : Atelier Novembre
  • Photos : Luc Boegly