MARC MIMRAM
L’ÉLOQUENCE DE LA STRUCTURE
Architecte et ingénieur, Marc Mimram conçoit tout autant des ouvrages d’art que des équipements ou des logements. Du prochain stade Roland-Garros (75) au franchissement urbain Pleyel à Saint-Denis (93), son œuvre témoigne d’une relation particulière à la matière et à ses déclinaisons.
Quel est votre parcours professionnel ?
J’ai été durant 15 ans ingénieur structure pour des architectes, ce qui m’a permis de comprendre non seulement ce qu’était le métier d’ingénieur, mais aussi et surtout ce qu’était le métier d’architecte. J’ai eu l’opportunité de travailler pour des maîtres d’œuvre très différents, mais toujours très engagés : Paul Chemetov,
Rem Koolhaas, Yves Lion… J’ai ensuite continué à faire de l’ingénierie, mais pour moi, en tant qu’architecte… Aujourd’hui, je pense que nous sommes d’ailleurs les seuls en France à faire les deux ensemble.
Notre agence comprend 2/5e d’ingénieurs et 3/5e d’architectes, et les projets que nous réalisons sont soit des ouvrages d’art, soit de grandes structures de bâtiments. Nous travaillons sur beaucoup d’ouvrages complexes et réalisons actuellement, par exemple, le premier bâtiment-pont en France, au-dessus des voies d’Austerlitz. Il fait 58 mètres de portée, et nous n’aurions jamais pu le concevoir si nous n’avions pas eu notre propre ingénierie intégrée.
Votre double compétence induit-elle une écriture particulière ?
Je m’intéresse aux projets architecturaux dans lesquels la question constructive est prépondérante, mon écriture est fondée sur la lisibilité de la structure avec une attention très forte portée à la matérialité des choses.
Je dis toujours que l’architecture est un art de la transformation et, en particulier, un art de la transformation de la planète. L’acier n’est jamais qu’un extrait de la terre, et la première photographie que je montre lorsque je fais un cours sur ce métal, c’est celle d’une mine de fer… Quelle est la place de l’acier dans le monde, à la fois comme extraction et produit écologique ? Nous transformons de la planète en matière, de la matière en structure, de la structure en matérialité et demain, à nouveau, elle sera retransformée.
Le principal avantage de l’acier réside dans cette recyclabilité, il faut le regarder et l’évaluer dans un cycle d’usage long, total.
Quelle place pour l’acier dans l’avenir ?
Je vais vous dire deux choses qui pourraient paraître contradictoires, mais qui sont au centre de mes préoccupations sur l’acier. L’essence même des structures en acier réside dans leur discontinuité spatiale : des membrures, des barres, un assemblage d’éléments disjoints qui viennent filtrer la lumière.
Mais aujourd’hui, ce qui m’intéresse, c’est de retrouver les technologies de l’acier moulé, de travailler l’acier plutôt comme une feuille, comme un continuum, une structure continue. J’ai réalisé une passerelle à Yangzhou, en Chine. Elle est composée de tôles cintrées dans les deux directions ; nous sommes presque revenus, sur ce projet, à de la chaudronnerie, aux pièces moulées de très grandes dimensions. Autant de techniques qui pourraient sembler désuètes, mais qui, au contraire, vont être réintroduites dans le vocabulaire de demain grâce au numérique…
De nouvelles pistes sont maintenant ouvertes aux chantiers acier, c’est plein d’espoir.