LES ACIERS À HAUTE PERFORMANCE
L’excellence au service de constructions hors norme
L’utilisation d’aciers à haute performance pour bâtir des ouvrages d’art et des bâtiments d’envergure ne cesse d’augmenter depuis quelques années en France. La réduction des épaisseurs de tôles d’acier mises en œuvre par soudage fait baisser de façon notoire les coûts de fabrication, de transport et de pose, tout en contribuant à diminuer l’impact environnemental de l’acier et notamment les émissions de CO2. Un avantage majeur pour ce matériau recyclable à l’infini.
Existant depuis un siècle, les aciers à haute performance sont des « aciers augmentés » et spéciaux composés d’alliages de fer et de carbone, auxquels sont ajoutés d’autres composants (nickel, manganèse…) accroissant leur résistance et durabilité. Également appelés aciers à haute limite d’élasticité (HLE), ils répondent à des exigences de comportement particulier et permettent de construire des édifices hors du commun. Leurs bonnes caractéristiques mécaniques, associées à des propriétés performantes de mises en œuvre, qui dépendent d’épaisseurs et de nuances spéciales, sont de plus en plus utilisées dans différents domaines de la construction. Ces aciers résistants ont été d’abord employés pour la construction de grues mobiles, d’engins de travaux publics, de tôles à tubes mis en place dans la construction navale et pour les plateformes off-shore (années 1970), puis pour des conduites forcées et de pipelines (années 1980). Robustes et dotés d’une haute longévité, requérant moins de matière, grâce au soudage,
ils vont connaître un développement exponentiel en France, en Europe, aux États-Unis et au Japon.
DIFFÉRENTES NUANCES D’ACIER
Plusieurs nuances d’acier sont proposées et, selon leurs caractéristiques, utilisées de manière spécifique dans divers champs d’applications. Doté de carbone-manganèse, le S355 possède des propriétés mécaniques minimales garanties (limite d’élasticité et résistance à la traction) et une ductilité satisfaisante. Mis en œuvre en structures de bâtiments et ouvrages de génie civil, il offre une bonne soudabilité, réalisable avec les procédés de soudage conventionnels. Incluant également du carbone-manganèse, le S460 est une nuance d’acier de structure robuste, adapté à des aciers de construction soudables à haute résistance et à grain fin. Employé pour la fabrication de pièces soudées résistant à des contraintes élevées, le S460 est adapté pour la construction de structures architecturales d’envergure et de portée importante, comme celles des ponts et des immeubles de grande hauteur (IGH). Il est utilisé principalement pour les poteaux des IGH, les poutres des ponts de petites et de moyennes portées et les diagonales et membrures des poutres-treillis. Dans le cas de l’IGH, le S460 permet d’abaisser la taille des sections des poteaux, d’améliorer la soudabilité (pas de préchauffage) et de réduire le poids des bâtiments de 10 à 30 %. Quant au S420, il concerne les aciers de construction soudables à grain fin qui apportent une bonne soudabilité selon les procédés classiques. Ces aciers servent à fabriquer des pièces soudées devant résister à de hauts niveaux de contrainte, comme les ponts, les ossatures à grande portée et les IGH. Avec sa faible teneur en carbone et sa structure à grain fin, le S460+M apporte une limite d’élasticité plus élevée et une résistance accrue à la corrosion liée aux environnements agressifs, comme le milieu marin.
En raison de sa composition chimique particulière, une couche autoprotectrice d’oxyde se forme sur la surface de l’acier, créant une patine brune qui se fond dans l’environnement. Cet acier autopatinable, destiné surtout à l’édification des ouvrages d’art, diminue ainsi les coûts de maintenance de la structure. D’autres aciers à forte limite d’élasticité, tels que le S690 ou le S1100, plus rarement utilisés, résistent, eux, aux séismes ou à la fatigue.
TECHNIQUE, ÉCONOMIQUE ET… ENVIRONNEMENTAL
Largement exploités dans la construction de bâtiments, les aciers à haute performance présentent de nombreux atouts, d’ordre technique, économique et environnemental.
Plus robustes et durables que les aciers ordinaires, ils résistent mieux aux températures élevées ou basses, aux intempéries (vents, tempêtes…) et aux milieux naturels difficiles. Qui plus est, la structure d’un ouvrage, conçue avec moins d’acier – un profilé de même dimension reprenant des charges plus grandes – est allégée, tout comme la consommation énergétique et l’impact environnemental (émissions de CO2) réduits d’autant. À structure moins lourde… fondations plus restreintes. Autant d’avantages qui induisent une baisse notable non seulement du coût de la construction de l’ouvrage, mais aussi de la fabrication des pièces et de leur transport. De surcroît, grâce à des ossatures plus légères et élancées, l’architecture et l’esthétique sont, de fait, améliorées et sublimées.
INNOVATIONS ET DIMENSIONS HORS MESURE : LES PONTS
Ces aciers performants ont servi en partie à édifier des ouvrages d’art qui font figure de pionniers, tels les ponts, dont la structure mixte associe du béton et de l’acier. La première utilisation en France des aciers S460 (en pièces épaisses) est celle de la reconstruction, en 1993, du pont routier de Remoulins, au-dessus du Gardon, remplaçant le pont suspendu vétuste de 1935. Son tablier est formé d’une structure mixte innovante en béton et acier, utilisant des aciers thermomécaniques (ou aciers M) qui, grâce à un traitement mécanique et thermique adapté, sont aptes au soudage et au formage à froid, des étapes supérieures à celles des aciers normalisés. De nombreux ouvrages à amples portées de ce type, utilisant des aciers S460, verront ainsi le jour. Bâti en 2013 à Bordeaux, par les architectes Charles et Thomas Lavigne et Christophe Chéron, le pont roulant Jacques-Chaban-Delmas relie les quartiers des rives gauche et droite, et traverse la Garonne.
Il est dévolu à la fois aux voitures, poids lourds, bus, deux-roues et aux piétons. Soutenu par quatre pylônes de 80 m de hauteur, ce pont géant de 433 m de longueur et 45 m de largeur, possède un tablier en acier et une travée levable centrale de 117 m de largeur offrant une passe maritime navigable de 53 m de hauteur. De même, le pont levant routier Gustave-Flaubert à Rouen, dessiné en 2008 par les architectes Michel Virlogeux et Aymeric Zublena, franchit la Seine de ses 670 m pour 86 m de hauteur. Les deux tabliers sont portés par deux doubles pylônes en béton tenant le système de levage, intégré aux socles et à l’intérieur des piles. Sur un poids total de 1 315 t mis en œuvre, 944 t sont des aciers S460.
GREFFES INSOLITES SUR DU BÂTI EXISTANT
Les bâtiments existants peuvent faire l’objet d’extensions et de surélévations, d’architecture pertinente. Devenue la maison du port, l’ancienne caserne de pompiers d’Anvers, aux Pays-Bas – classée et de style hanséatique –, a fait l’objet, en 2016, d’une spectaculaire greffe : une extension de quatre étages, imaginée par l’architecte Zaha Hadid. Le volume protéiforme (24 m de largeur, 111 m de longueur et 21 m de hauteur) chevauche l’édifice originel et s’appuie sur un mégapied en béton insérant les circulations : sa peau assemble des triangles de verre à orientations multiples. La structure en métal indépendante, conçue comme un cadre d’acier résistant à la torsion et aux vents violents, comporte plusieurs fermes de façade, inclinées et latérales : 500 t d’acier à nuance S355 ont été posées. Autre cas insolite : Hearst Tower à New York, bâtie en 2016, par l’agence Foster + Partners, sur un édifice historique Art déco (1928) de six niveaux faisant socle. Si l’ossature porteuse de cette tour tertiaire de 182 m de hauteur compte un noyau et des structures périphériques en acier, sa structure extérieure est formée de poutrelles en acier à haute performance affinées, allégeant l’ensemble.
GARES ET STADES À HAUTE TENEUR EN PROUESSES
Reconnus pour leur haute teneur en prouesses, ces aciers performants sont dorénavant utilisés pour d’autres édifices d’envergure à grande portée. Devenue la plus grande gare ferroviaire d’Europe, la gare centrale de Berlin, en Allemagne, érigée en 2006 par l’architecte Meinhard von Gerkan, s’organise sur trois niveaux et se compose d’une structure porteuse en colonnes d’acier spécial (S460). Si le hall de la gare nord-sud, de 45 m de largeur et 159 m de longueur, est surmonté d’une voûte vitrée, le hall des quais est-ouest, qui s’étire sur 430 m, est, lui aussi, coiffé d’une verrière aérienne de 321 m de longueur, formant une coque dotée de poutrelles. Plus près de nous, à Lille, le stade Pierre-Mauroy, conçu en 2012 par les architectes Valode et Pistre et Pierre Ferret, est équipé d’une ossature mixant des portiques béton et une charpente métallique, surplombées d’un toit mobile roulant sur des mégapoutres d’acier, elles-mêmes reposant sur quatre gros poteaux béton. Sur les 6 000 t d’acier mises en place, la moitié est constituée d’aciers performants (S460). Ces divers exemples de réalisations, à l’architecture inventive et foisonnante, font appel à des prouesses techniques variées et évolutives.