LE PATRIMOINE EN ACIER

Subtil équilibre entre préservation, transformation et création

Intervenir sur des édifices patrimoniaux et d’architecture exceptionnelle, dotés de structures métalliques ou mixtes, exige de la part des architectes, ingénieurs et entreprises impliqués un savoir-faire spécifique et une bonne dose d’imagination, afin de mener à bien des projets complexes de réhabilitation, restructuration et reconversion, et ce dans le respect du bâti historique. L’acier, avec ses composants légers, à la pose rapide et simple, demeure le matériau le plus adapté à chaque cas de figure.

Photo : Filip Dujardin

La haute qualité du patrimoine en acier du 19e siècle n’est plus à démontrer. Pour les édifices publics, comme les gares, halles de marché, passages couverts, ou les édifices industriels (usines, grands moulins, silos à grains…), la grandeur de leur architecture tient à leur échelle hors norme liée à des portées importantes et à des volumes somptueux baignés de lumière naturelle, rendus possibles grâce à l’emploi, en structure et charpente, de fonte et de fer puis d’acier.
Le patrimoine en métal du 20e siècle recèle, lui aussi, de nombreuses vertus, bien qu’il demeure encore incompris.
De nombreux édifices de différentes natures, tailles et époques ont fait l’objet, ces dernières années, d’opérations complexes et ciselées de réhabilitation et/ou de rénovation, avec de possibles extensions. Et si certains bâtiments historiques conservent leur fonction initiale assortie d’activités complémentaires, d’autres sont reconvertis pour des usages autres. L’intervention sur l’ouvrage peut être partielle, comme la greffe d’une verrière sur une cour, ou plus globale, à travers un réaménagement de l’ensemble du bâti, jusqu’à sa reconstruction partielle ou totale. Sachant que toutes ces opérations complexes exigent de hautes compétences techniques, de la part des architectes, bureaux d’études et entreprises, afin de mieux protéger et pérenniser les structures en acier existantes et à poser. Toutes ces interventions, déployées avec imagination par les concepteurs, enrichissent considérablement le bâti initial et l’aident à muter dans le temps.

Tour Eiffel, Paris 16e arr. (1889), Gustave Eiffel, architecte. Mondialement connue, cette dame de fer de 300 m de hauteur, qui nécessite d’être repeinte tous les sept ans, demeure l’emblème de Paris. Photo : Carol Maillard
Collège des Bernardins, Paris 5e arr. (13e siècle), Jean-Michel Wilmotte, architecte, 2018 (rénovation). Totalement rénové, ce bâtiment médiéval en pierre a vu son comble restitué grâce à la mise en place d’une charpente moderne et légère, en profilés d’acier. Photo : Carol Maillard
Maison de fer, Poissy (1896), Philippe Blanc, architecte, 2019 (reconstruction). Unique en son genre, cette maison métallique, détruite par la tempête en 1999, a été reconstruite à l’identique en 2019 pour loger un Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine. Photo : Ville de Poissy

PROTÉGER LES ACIERS POUR LES PÉRENNISER

Les ossatures en acier nécessitent un traitement anticorrosion leur permettant de résister aux agressions des intempéries (pluie, neige, vent) et à celles de l’environnement (urbain, marin). Cette protection peut être réalisée sur des pièces d’acier en atelier, par l’application d’une peinture de laquage ou thermolaquage, d’une galvanisation à chaud ou d’une métallisation. Car si l’acier est incombustible, il perd une partie de sa résistance mécanique quand la température monte au-delà de 550 °C. Il faut donc le protéger contre l’incendie, en apposant, sur les ossatures métalliques intérieures et extérieures, des produits adaptés, comme la peinture intumescente, un flocage projeté, ou bien encore un encoffrement des composants acier par des plaques vissées ou collées. Ces trois solutions performantes étant naturellement réalisées au cas par cas. Néanmoins, la protection n’est pas toujours nécessaire, comme dans les parkings ouverts. Sur le plan patrimonial, l’exemple le plus emblématique est celui de la tour Eiffel qui, érigée en 1889 à Paris par l’ingénieur Gustave Eiffel, se devait d’être éphémère et démontable. Inscrite au titre des Monuments historiques en 1964, cette célèbre tour de fer puddlé de 300 m de hauteur, toujours vaillante, nécessite d’être repeinte tous les sept ans environ. Un authentique exploit sans cesse renouvelé…

DE LA RÉNOVATION À LA RECONSTRUCTION…

Si certains bâtiments historiques d’époques diverses sont simplement réhabilités, d’autres sont rénovés en profondeur avec, à la clé, une réorganisation des espaces internes et une conservation de leur architecture spécifique. Réglementation oblige, l’ouvrage doit être remis aux normes en vigueur, en termes d’isolation thermique et acoustique, accessibilité et protection incendie. Ainsi, l’ancien couvent des Bernardins à Paris – datant du 13e siècle et acquis en 2001 par le diocèse de Paris – a été restructuré en 2008 par l’agence Wilmotte & Associés et l’ACMH Hervé Baptiste. Les espaces internes ont été remaniés, agrandis et remis aux normes. Si l’ouvrage a été consolidé par la pose de micropieux, le volume du comble médiéval a été restitué, à l’aide d’une charpente en profilés d’acier, de conception plus moderne que celle en bois initiale. Quant à la Maison de fer, à Poissy (78), datant de 1896, elle fait figure de témoin rare, car érigée avec un système de tôles embouties breveté par l’ingénieur belge Joseph Danly. Habitée jusque dans les années 1980, puis inscrite au titre des Monuments historiques en 1975, elle a été soufflée par la tempête de 1999. La Ville ayant acquis ses vestiges en 2016, la maison est alors démontée et reconstruite à l’identique, à partir de pièces récupérées et d’autres refaites. Elle renaît en 2019, grâce à l’intervention de l’architecte Philippe Blanc, et devient un Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine.

Bourse du commerce, Paris 1er arr. (1889), Tadao Ando, architecte, Pierre-Antoine Gatier, ACMH, 2021 (restructuration). Reconverti en musée d’art Pinault Collection, cet édifice circulaire est coiffé d’une coupole en fonte de fer qui a été restaurée et étanchée, ainsi que son enveloppe en verre. Photo : Bourse de Commerce - Pinault Collection © Tadao Ando Architect & Associates, Niney et Marca Architectes. Photo : Marc Domage
Hôtel de la Marine, Paris 8e arr. (1765), 2BDM, architectes, Hugh Dutton (concepteur de la verrière), Christophe Bottineau, ACMH, 2020 (restructuration). Dans cet hôtel prestigieux, la cour de l’Intendant est coiffée d’une verrière de type lustre qui allie des vitrages triangulaires à une structure acier tendue, parée de tôles d’inox poli miroir. Photo : Michel Denancé
Gare de Lyon, Paris 12e arr. (1855), Arep, architectes, 2011. Cette gare du 19e siècle a fait l’objet d’une greffe de deux verrières cintrées modernes, dont la plus petite comporte des arcs à fins profilés d’acier et en verre clair. Photo : Carol Maillard

DÔMES ET VERRIÈRES : UN HYMNE À LA LUMIÈRE

L’apport de lumière naturelle au sein d’édifices publics de toutes époques est essentiel pour mettre en valeur les volumes intérieurs, dès lors plus éclairés et confortables, et pour induire de substantielles économies d’énergie. Si les verrières en place, vieillissantes, nécessitent d’être restaurées et mieux isolées, certains ouvrages bénéficient de l’ajout de verrières, sublimant les volumes. L’ancienne halle aux blés de Paris, bâtie en 1763 et devenue Bourse du commerce en 1889, a été inscrite au titre des Monuments historiques en 1975, puis transformée en 2021 en musée d’art Pinault Collection par l’architecte Tadao Ando et l’ACMH Pierre-Antoine Gatier. À 40 m de hauteur, son ample coupole (1812) comporte une charpente en fonte de fer unique (classée en 1989), soigneusement restaurée et étanchée, alors que son enveloppe en verre a été remplacée, dans une optique de mise en sécurité, de stabilité de l’ensemble et de préservation de son esthétique originelle. D’autres édifices historiques font l’objet de greffes de verrières apportant de la lumière du jour en abondance en leur sein, comme l’hôtel de la Marine à Paris (1765), restauré en 2020 par l’agence 2BDM et l’ACMH Christophe Bottineau. La cour de l’Intendant est coiffée d’une verrière de type lustre (20 x 15 m) qui super­pose une nappe haute, en vitrages triangulaires inclinés, à une structure en acier tendue, habillée de tôles d’inox poli miroir, les lamelles de verre suspendues sous la structure diffusant une lumière douce. Emblématique des gares du 19e siècle aux vastes volumes, la gare de Lyon (1855), dans le 12e arrondissement parisien – rénovée en 2011 par l’agence Arep –, s’est adjoint deux nouvelles verrières contemporaines : la plus petite se dresse à 12 m de hauteur et se compose d’arcs élancés à fins profils d’acier traités anticorrosion et de vitrages extra-clairs performants qui illuminent le hall.

Gare de Strasbourg (1841), Arep, architectes, 2011 (restructuration). Sur le mur en pierre de cette gare, a été plaquée une verrière géante, courbe, de 25 m de hauteur, formée de fins arcs métalliques protégeant le hall. Photo : Carol Maillard
Théâtre Legendre, Évreux (1903), Opus 5 Architectes, 2020 (rénovation). Le nouveau hall d’accueil du théâtre rénové est liaisonné à un volume ajouté, via une boîte en verre aérienne et sertie de fins profilés d’acier. Photo : Luc Boegly
La Cité du cinéma, Saint-Denis (1932), Reichen et Robert & Associés, architectes, 2012 (reconversion). L’ancienne centrale thermique a été rénovée, son ossature en métal restaurée et repeinte, tandis que plusieurs entités ont été édifiées de part et d’autre de la nef centrale. Photo : Carol Maillard
Les Dock Vauban, Le Havre (1846), Reichen et Robert & Associés, architectes, 2009 (reconversion). Les halles du centre commercial insèrent en toiture des verrières en profilés d’acier qui s’accordent avec le bois en sous-face et les murs en briques. Photo : Carol Maillard

GREFFES ET EXTENSIONS : DES INTERVENTIONS CIBLÉES

D’autres types de greffes sont réalisés au sein des volumes existants des édifices, ou en continuité de ceux-ci, ou bien en façade, ou encore en toiture dans le cas de surélévations, générant de multiples configurations de natures et dimensions variées. En 2007, l’agence Arep a réhabilité la gare historique de Strasbourg datée de 1841 et ajouté, sur les 120 m de la façade en pierre, une immense verrière courbe de 8 000 m² et 25 m de hauteur (antisismique) qui dessine un hall généreux et protecteur. La structure primaire est formée de seize arcs en acier espacés de 9 m et raidis par des câbles ; arcs reliés entre eux par une ossature secondaire en poutres Fink. Une tout autre configuration pour le théâtre Legendre d’Évreux, qui, datant de 1903 et inscrit MH en 2002, a été rénové en profondeur et remis aux normes en 2020 par l’agence Opus 5 Architectes. Le nouveau hall d’accueil du théâtre en pierre est liaisonné à un volume ajouté, via une boîte en verre sertie de fins profilés d’acier. Occupant une ancienne centrale thermique datant de 1932, à Saint-Denis, la Cité du cinéma de Luc Besson a, elle, été rénovée et agrandie en 2012 par l’atelier Reichen et Robert & Associés, son ossature en métal ayant été restaurée et repeinte. De part et d’autre de la nef, plusieurs corps de bâtiments ont été construits en murs-rideaux et parements de brique pour y loger l’école de cinéma.

LA MIXITÉ DES MATÉRIAUX, GAGE DE DURABILITÉ

Plus que jamais d’actualité, développement durable oblige, la reconversion d’édifices patrimoniaux obéit au principe suivant lequel mieux vaut rénover que détruire ; la plupart des bâtiments possédant une ossature mixte, alliant le métal à la brique, la pierre ou le béton, gage de pérennité et de stabilité.
L’utilisation d’ossatures en acier s’impose pour la facilité de mise en œuvre de leurs composants, assemblés en atelier ou sur chantier, en filière sèche. Parmi les nombreux exemples de ce type, les Dock Vauban au Havre, anciens entrepôts douaniers (1846) transformés en centre commercial en 2009 par l’agence Reichen et Robert & Associés, accueillent, en toiture des halles existantes, des verrières en profilés d’acier en harmonie avec le bois en sous-face et les murs porteurs en brique. Bâti en 1899 par l’architecte Paul Saintenoy et classé au titre des Monuments historiques en 1989, l’ancien magasin Old England a été reconverti en musée des instruments de musique en 2000 par Bureau GUS (Danny Graux, Georges Vanhamme et François Terlinden). Restaurée avec soin, l’étonnante façade de pur style Art nouveau présente des colonnettes ornementées, des profils en métal découpés et une tourelle d’angle, assortis de garde-corps en ferronnerie et de frises en céramique, créant un subtil mélange de décors. D’autres édifices gardent leur fonction de base, comme les halles centrales de Narbonne, conçues en 1901 par l’architecte André Gabelle, rénovées en 1994 par l’architecte Pierre Boivert. Ce pavillon associe une charpente à fins portiques et poutres-treillis en fer à des piliers et des frontons en pierre décorés et des murs de briques.

Magasin Old England (1899), Bruxelles, Belgique, Bureau GUS, architecte, 2000 (reconversion). Cet édifice Art nouveau, transformé en Musée des instruments de musique (MIM), affiche une façade très ornementée qui a été restaurée en détail pour retrouver son lustre d’antan. Photo : Carol Maillard
Halles centrales, Narbonne (1901), Pierre Boivert, architecte, 1994 (restauration). La structure mixte de ce marché couvert compte une charpente à fins portiques et poutres en fer, ainsi que des piliers et frontons en pierre décorés, et des murs de briques. DR
Métal 57, Boulogne-Billancourt (1984), Claude Vasconi, architecte, Dominique Perrault, architecte, 2022 (reconversion). Si la charpente en sheds d’acier du bâtiment d’origine a été refaite à l’identique, une unité de bureaux a été bâtie à l’aide de poteaux-poutres à profils et PRS d’acier, et de planchers béton. Photo : Vincent Fillon
La Fondation Avicenne, Paris 14e arr. (1969), Claude Parent, André Bloc, Mohseine Foroughi et Heydar Ghiai, Béguin & Macchini, architectes, 2021-2023 (restructuration). Cet édifice iconique, formé de poteaux-poutres d’acier et de planchers mixtes suspendus à une macrostructure, a été désossé, désamianté et déplombé avant d’être reconstruit. Photo : Béguin & Macchini

DES ICÔNES INTEMPORELLES DU 20E SIÈCLE

Bon nombre de bâtiments de qualité, érigés au 20e siècle, demeurent pourtant méconnus, le plus souvent par manque de connaissance de cette époque pourtant foisonnante de recherches conceptuelles et architecturales en tous genres. Parmi les projets phares actuellement à l’honneur figure
le 57 Métal, bâtiment industriel conçu en 1984 à Boulogne-Billancourt par l’architecte Claude Vasconi pour Renault. Rebaptisé Métal 57, cet édifice emblématique, restructuré entre 2020 et 2022 par l’architecte Dominique Perrault pour le compte de BNP Paribas Real Estate, abrite diverses fonctions : food hall, café, auditorium, pôle de conférence…
Sa charpente en sheds d’acier de trois tailles a été refaite à l’identique, avec des poutres-treillis assemblées et posées in situ. À l’arrière, une unité de bureaux a été bâtie avec un système à poteaux-poutres à profils standard et PRS d’acier, et des planchers béton. Quant à la Fondation Avicenne, ex-Maison d’Iran, située au sud de la Cité internationale universitaire à Paris, elle a été bâtie en 1969 par les architectes Claude Parent, André Bloc, Mohseine Foroughi et Heydar Ghiai pour loger des étudiants. Inscrit au titre des Monuments historiques en 2008, cet ouvrage iconique fait l’objet d’une restructuration lourde, depuis 2019, menée par les architectes Gilles Béguin et Jean-André Macchini. Le système constructif audacieux compte trois portiques d’acier supportant deux blocs de quatre étages de chambres suspendus, le peu de points porteurs étant lié à la présence de carrières en sous-sol. L’ouvrage, bâché et cerné d’échafaudages, a été curé, et sa charpente désossée pour procéder à sa décontamination et enlever l’amiante et le plomb omniprésents. S’ensuit la reconstruction de l’édifice, avec la pose des façades vitrées et pleines (panneaux-sandwichs) et du cloisonnement intérieur. Sachant que, confort oblige, les 111 futures chambres d’étudiants seront équipées de cabines de douches et de kitchenettes. Ce projet complexe et atypique mérite d’être suivi de près…

RECONVERSION DE LA GARE MARITIME, SITE TOUR ET TAXIS, BRUXELLES

Une cathédrale de métal et de verre revivifiée

Photo : Filip Dujardin

Datant du début du 20e siècle, la gare maritime du site Tour et Taxis de Bruxelles, en Belgique, a été restructurée de fond en comble en 2020, par l’agence hollandaise Neutelings Riedijk Architecten et l’architecte MH Jan de Moffarts. « Lovée sous d’impressionnants toits d’acier, la nouvelle gare a été dessinée à l’image d’un quartier de ville protégé, notent les architectes. Elle se compose de trois grandes salles et de quatre autres plus petites. » La halle centrale est ouverte à tout évènement public et « des voies piétonnes de 16 m de largeur offrent de la place pour des jardins intérieurs ». Si les volumes des halles en ossature d’acier et murs de briques sont réhabilités avec soin, sous leurs bas-côtés, sont glissés douze pavillons bâtis en ossature bois pour loger le programme mixte de commerces, bureaux, restaurants et d’espaces publics. Côté développement durable, les toitures dotées de verrières accueillent 17 000 m² de panneaux solaires, producteurs d’énergie. Les nouvelles façades des pavillons sont réalisées avec un système de fins profilés d’acier (50 mm de largeur) à rupture de pont thermique, celles formant les pignons consistant en une construction légère en porte-à-faux. Afin de surcharger à minima l’édifice, la façade rideau s’appuie sur les solives du deuxième étage, tandis qu’au troisième, elle s’arrime au plafond et se fixe en deux points aux pavillons par des barres de compression. Les façades est et ouest sont également restaurées avec ces menuiseries acier qui respectent la modénature d’origine. Des triples vitrages isolants, commandés par capteurs, sont posés sur la façade ouest pour la protéger du soleil.

Photo : Filip Dujardin
Photo : Filip Dujardin

RESTRUCTURATION DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE, PARIS

Le quadrilatère Richelieu fait peau neuve

Fondée en 1720, la Bibliothèque nationale de France, à Paris (2e arr.), qui connut plusieurs transformations, fait l’objet, depuis 2007, d’une rénovation complète réalisée en deux phases (2016 et 2022) par les architectes Bruno Gaudin et Virginie Brégal.
Les travaux en cours ont nécessité de scinder le bâtiment (90 x 180 m) en deux parties, le site Richelieu étant traité en premier, et le site Vivienne en second. Le projet architectural porte sur la mise en sécurité des édifices, la réorganisation des espaces et circulations, la création d’un nouveau musée… « Pour redonner de la cohérence à l’ensemble dispersé, il a fallu liaisonner les deux ailes de la cour d’honneur Richelieu et du jardin Vivienne, avec une entrée créée sur ce dernier, observe l’architecte Virginie Brégal. Un escalier plus central en hélice qui remplace celui de 1910 et grimpe dans une rotonde a été mis en place dans le nouveau hall d’accueil traversant. » S’agissant de la salle Labrouste (1868), classée, sa structure porteuse indépendante de la maçonnerie regroupant seize fines colonnes en fonte de 10 m de hauteur supportant des voûtes, a été « nettoyée » et restaurée par l’architecte ACMH Jean-François Lagneau, tout comme le reste du volume. Elle ouvre sur le magasin central de quatre niveaux (1875) rénové. Son ossature d’origine, atypique et autoportante en fer, à double hauteur, de soutien des rayonnages en bois et des planchers en caillebotis de fonte a été restaurée. Coiffée d’une rotonde, la salle Ovale (1936) – classée et devenue salle de lecture – a été réaménagée et restaurée elle aussi par Jean-François Lagneau, un éclairage savant en diodes électroluminescentes étant installé dans les combles et les rayonnages.

Photo : Virginie Brégal

LA POSTE DU LOUVRE, PARIS ACCORD PARFAIT ENTRE PIERRE ET ACIER

Vouée au tri et à la distribution du courrier des quartiers de la capitale, la poste du Louvre à Paris a été érigée (1888) par l’architecte Julien Guadet, à l’aide d’une ossature métallique et d’une enveloppe en pierre. Totalement remanié par l’architecte Dominique Perrault, l’édifice recèle un programme mixte (32 000 m²) qui associe, à la poste historique maintenue, 17 logements sociaux, des bureaux, 13 commerces, une halte-garderie, un commissariat de police et un hôtel 5* de 82 chambres. Débuté à l’été 2016, le chantier d’envergure a consisté à restaurer la structure métallique à poteaux-poutres d’origine (en bon état), préservée, réemployée et complétée par de nouvelles pièces. Flexibilité et évolutivité obligent, elle se compose de charpentes, portiques, chapiteaux, voutains, qui ont permis de créer des mezzanines dans la hauteur sous-plafond importante des niveaux de bureaux. Pour créer le patio central faisant pénétrer la lumière naturelle au cœur du bâtiment, ainsi que les halls centraux, les planchers en place ont été démolis, et un plancher de reprise de charges a été réalisé. Or la singularité du projet tient à la charpente en acier cintrée atypique, mise en œuvre en surplomb de la toiture-terrasse accessible (500 m²) au dernier niveau, équipée de bacs à fleurs, du bar de l’hôtel et de cinq édicules techniques. Elle est surmontée d’un toit de verre prolongé par une pergola énergétique revêtue de panneaux solaires et photovoltaïques conçus sur mesure. Cette rénovation exemplaire allie subtilement l’ancien au contemporain, la pierre claire jouxtant l’acier peint en noir selon plusieurs textures.

Photos : Michel Denancé/Dominique Perrault Architecture
Photos : Michel Denancé/Dominique Perrault Architecture