Inaugurée à Arles en juin 2019, l’École nationale supérieure de la photographie (ENSP) aurait pu être écrasée par la météorite de métal érigée en vis-à-vis par Frank Gehry pour la fondation Luma. Tout en correspondances subtiles, l’édifice de Marc Barani s’enracine par une mise en abyme pour mieux se fondre dans le gabarit de l’avenue, cadrer les vues traversantes et tempérer les ardeurs du soleil… et celles de son confrère californien ! 

S’INSCRIRE DANS UNE TOPOGRAPHIE VIOLENTÉE 

« Ultime colline de la vallée du Rhône avant la mer, la géographie d’Arles lui confère une géométrie singulière. Posée comme un caillou sur une plage, la ville est tangentée par les flux : le fleuve, l’autoroute et la voie ferrée. » Reliant dès 1842 Avignon à Marseille, cette dernière y bénéficiait d’un vaste dépôt de machines et d’ateliers généraux auxquels furent sacrifiés une partie du cimetière des Alyscamps ainsi qu’un pan entier de la colline des Mouleyrès, littéralement tranché, livrant au passage de nombreux vestiges antiques. 

Ses locaux désaffectés depuis 1984, la friche ferroviaire, à proximité immédiate du centre historique, incita les élus à la reconvertir en pôle culturel en synergie avec les Rencontres de la photographie et l’ENSP ayant investi, à sa création en 1982, l’hôtel Quiqueran de Beaujeu. En 2007, l’agence d’architecture et de scénographie Moatti-Rivière mua la grande halle des ateliers en espace d’exposition. En 2013, la richissime héritière suisse des laboratoires Roche mit en orbite l’antenne arlésienne de la fondation Luma dans le parc des Ateliers voisin et en confia la conception à Frank Gehry. 

En vis-à-vis et en secteur sauvegardé car proche des anciens remparts, la parcelle triangulaire — délimitée par le promontoire planté de l’avenue Victor-Hugo, les voies ferrées en contrebas et la colline éponyme amputée que coiffe l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Mouleyrès — devient le nouveau siège de l’ENSP agrandie (4 014 m2). 

LOIN DES CLICHÉS… PROVENÇAUX 

Le Niçois Marc Barani remporte, en 2014, la consultation avec un projet « méditerranéen » contemporain bioclimatique, tout à la fois ouvert (sur la ville) et intime (pour les études), linéaire et abrupt. 

Entièrement vitré toute hauteur, le rez-de-rue donne à voir depuis le mail urbain non seulement l’accueil, le niveau supérieur de l’espace d’exposition, l’auditorium et le fab lab, mais aussi — par transparence — le panorama septentrional. Cet ensemble est largement accessible au public par un vaste parvis en passerelle à ossature acier franchissant le profond fossé en saut-de-loup réminiscence du ha-ha des fortifications antiques ? — permettant d’éclairer tout en les rafraîchissant les deux niveaux inférieurs. S’étirant sur 120 m, la couverture surplombe l’excavation et les terrasses qu’elle ombrage. Malgré ses 170 cm d’épaisseur, cette nappe anthracite semble en lévitation, portée par quatre blocs faussement cyclopéens en béton planchettes. Laissée par endroits apparente en sous-face, sa poutraison en treillis d’acier supporte 200 m2 de panneaux photovoltaïques et ménage quelques transparences zénithales. 

Au nord, un bâtiment de deux niveaux en U, hébergeant salles de cours, ateliers et laboratoires, s’adosse à ce barreau méridional. Il engendre ainsi un vaste patio central minéral dont l’emmarchement offre un amphithéâtre à ciel ouvert ceinturé de coursives abritées. Les pilastres de celles-ci architecturent l’ensemble en péristyle aux allures de villa romaine. À l’opposé, les parois extérieures banchées, profondément scarifiées par d’étroites failles vitrées, évoquent davantage le parapet d’une enceinte introvertie. La blondeur de sa minéralité est accentuée par le sombre parement acier du reste de l’édifice. 

Maître d’ouvrage : ministère de la Culture
Maître d’ouvrage délégué : Oppic
Maîtrise d’oeuvre : Atelier Marc Barani
Photos : S. Demailly