CITÉ INTERNATIONALE DE LA GASTRONOMIE ET DU VIN À DIJON
Menu architectural gourmand en acier
Le 6 mai dernier, l’inauguration de la Cité internationale de la gastronomie et du vin (CIGV) marquait la renaissance « augmentée » de l’ancien Hôtel-Dieu de Dijon, incarnant l’inscription par l’Unesco au patrimoine culturel immatériel de l’humanité du Repas gastronomique des Français en 2010 et celui des Climats du vignoble de Bourgogne en 2015. Anthony Bechu y a mis l’acier au menu !
UN A.M.I. QUI VOUS VEUT DU BIEN
En 1204, Eudes III, septième duc de Bourgogne, fait construire l’Hôtel-Dieu du Saint-Esprit dans les faubourgs de l’Ouche à Dijon comprenant un hospice pour indigents et pèlerins, une maison conventuelle, une église et un cimetière. Tous les bâtiments médiévaux furent progressivement remplacés, seuls subsistent à ce jour ceux construits entre le 15e siècle et le 18e. Transformé en hôpital général en 1669, il cesse toute activité en 2015, tous ses services ayant été transférés au CHU François-Mitterrand. Dès 2010, François Rebsamen, maire de Dijon et président de sa métropole, consulte Anthony Bechu – rencontré sur le chantier de la reconversion hôtelière de l’Hôtel-Dieu de Marseille – afin d’anticiper la réurbanisation de celui de sa ville, via la création d’une cité internationale de la gastronomie pour laquelle il candidate, avec succès, deux ans plus tard auprès de la Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires (MFPCA). Mais face aux convoitises de villes concurrentes, la Mission opte finalement en 2013 pour un réseau d’équipements pluridisciplinaires dédiés à la gastronomie. La capitale des ducs de Bourgogne est à nouveau retenue, mais aux côtés de Lyon, Tours et Paris-Rungis. Le Grand Dijon lance dans la foulée un Appel à manifestation d’intérêt (A.M.I) que remporte, l’année suivante, l’ambitieux projet porté par Eiffage et conçu par… Anthony Bechu et l’architecte en chef des monuments historiques Alain-Charles Perrot.
UN VRAI MENU ARCHITECTURAL
Un écoquartier complète l’opération sous forme d’un « parc habité » de 3,5 ha comportant des immeubles de logements conventionnés et en accession ainsi que trois résidences (étudiants, séniors et touristes). Sur les 6,5 ha restants, la CIGV déploie un espace hors du commun de 8 500 m2 comprenant des lieux d’expositions permanentes et temporaires (1 750 m2 dont les deux chapelles historiques), une école de cuisine et de pâtisserie opérée par Ferrandi et une seconde sur les vins sous la houlette du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB), le 1204, centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine de Dijon (500 m2), un marché couvert d’une quinzaine de commerces de bouche, bar à vins, atelier de dégustation et Librairie Gourmande, une cuisine évènementielle, les restaurants du groupe Epicure, l’hôtel Saint-Anne 4* de 125 clés avec piscine, spa et centre de séminaires (500 places) sous enseigne Curio Collection by Hilton, Le Village by CA – un incubateur de start-ups spécialisées dans la cuisine et l’agro-alimentaire –,
un complexe de huit salles de cinéma exploité par Pathé, et, enfin, dans une partie 18e, 92 appartements du T1 au T3 en accession dans le cadre de la loi Malraux, promus par le Groupe François 1er.
ENTRÉE, PLAT ET DESSERT(E)
Les ouvrages contemporains viennent subtilement s’interposer dans les espaces libres ou libérés par les démolitions de l’ancien hôpital au milieu du patrimoine historique que leur modernité doit aussi mettre en valeur. Une fois encore, l’acier démontre, par ses registres variés, une ingénieuse créativité épousant à merveille les architectures passées. Dans l’axe du petit viaduc des voies ferrées dont l’arche permet de rejoindre la CIGV depuis le centre historique, un parallélépipède tout vêtu d’acier autopatinable en lévitation sur ses pilotis inclinés au-dessus du parvis signale l’entrée du nouveau complexe. Son fronton vitré éclaire naturellement les deux plateaux de l’école Ferrandi dont les élèves pourront admirer ainsi la vieille ville comme à travers un grand télescope rouillé, à moins que ce ne soit un « canon de lumière ». Fixée sur une ossature constituée de consoles en acier galvanisé, sa vêture en cassettes d’acier Corten se retourne en sous-face du porte-à-faux, tel un plafond suspendu. Un caillebotis en tôle prélaquée « rouille » fait office de sur-toiture escamotant les exutoires techniques. En arrière-plan de cette séquence d’arrivée – que complètent un vaste hall, l’École des Vins de Bourgogne et une première salle d’exposition –, une longiligne verrière à charpente acier douche de lumière zénithale la stratégique circulation qu’elle abrite, elle tient lieu de « joint creux » avec l’édifice ancien en pierre de Bourgogne qui abrite le 1204. À l’arrière de ce dernier, huit pavillons à structure métallique constituent le Village gastronomique. Vues du dessus, leurs toitures planes végétalisées leur confèrent des allures de parterres de jardins à la française. Ses circulations extérieures sont abritées de la pluie et du froid par des coussins d’ETFE couvrant les auvents et tonnelles dont les poteaux acier sont gainés de bois façon… tonnelier.
- Maître d’ouvrage : Eiffage
- Architectes : Bechu & Associés, Perrot & Richard Architectes
- Entreprises : Brisard Dampierre (charpente métallique), Bergeot Tainturier et B2F Industries (métallerie serrurerie)