RÉSIDENCE PLEIN CIEL, La Chesnaie, Saint-Nazaire (44)

Des greffes métalliques opèrent la transformation de cette tour d’habitat social en un immeuble balnéaire ouvert sur le large et protégé des intempéries comme du soleil par une ceinture d’espaces intermédiaires qui font tampons climatiques et invitent à de multiples usages.
La tour érigée au n°3 de la rue des Ajoncs fait partie d’un ensemble d’habitations, La Chesnaie, caractéristique de cet urbanisme des années 1970 qui recourt à la construction de masse pour répondre au mot d’ordre du “logement pour tous”. Un logement standardisé qui intègre tous les équipements du confort moderne et qui relève d’une vision optimiste de l’avenir mais qui pèche par sa forme urbaine et sa localisation. Difficile, en effet, de justifier des cubes de dix étages dispersés dans le bocage à contre-pied du mode de vie et des aspirations de la population locale. Comme souvent en pareil cas, le quartier a perdu l’attrait du neuf et se trouve quarante ans plus tard déprécié aux yeux des habitants de la ville. Cette image dégradée conduit, ici comme ailleurs, à envisager des réhabilitations médiocres sous couvert d’isolation thermique et de “résidentialisation”, quand ce n’est pas la démolition au motif de réorganiser le quartier à coup de dynamite et de nouvelles coulées de béton sans trop d’égards pour l’existant.

Une transformation radicale sans démolition

Tout bilan carbone faisant de la démolition une erreur – a fortiori lorsqu’il s’agit d’ouvrages en béton – , le bâtiment et l’aménagement urbain ont été reconsidérés sous un angle positif en s’affranchissant des idées reçues. Examiné sur place de manière plus attentive et objective, le quartier révèle d’indéniables qualités et capacités que le projet entend exploiter : des espaces verts généreux et bien plantés, des constructions solides et plutôt bien conservées, une localisation relativement proche du centre-ville et bien desservie, une situation dominante offrant de belles vues lointaines aux étages élevés… S’y ajoute une population enracinée qui se montre attachée au quartier et en apprécie la modernité indépendamment de l’image qu’on lui prête aujourd’hui. Elle témoigne d’un « vivre ensemble » appréciable et bénéficie d’une gestion de proximité jamais démentie. Autant d’atouts et de qualités sur lesquels s’appuie la transformation radicale et positive de cette première tour. Le cube d’origine s’étoffe sur deux faces opposées de loggias / jardins d’hiver et s’élargit sur les côtés de deux ailes inégalement déployées. L’organisation et la superficie des 40 logements existants s’en trouvent améliorées et la capacité de l’immeuble tout simplement doublée par la création de 40 nouveaux logements dans les ailes. Au final, la tour disparaît, sa structure maintenue au cœur du nouveau développé de façade qui confère une silhouette singulière et asymétrique à cet audacieux assemblage. Les seules démolitions ont porté sur les façades, de manière ponctuelle et partielle, afin d’ouvrir les logements existants sur les loggias / jardins d’hiver rapportés en façade. Quant à l’adjonction des ailes, elle s’est effectuée sans casse par un travail malicieux sur les plans des logements. Le principe de la façade à double détente, juxtaposant loggia / jardin d’hiver et balcon filant aux pièces du logement est uniformément appliqué sur l’existant et les extensions neuves.

Des structures métalliques greffées sur tous les côtés

Toutes ces greffes ont été opérées de façon indolore par un recours généralisé à la construction métallique. Les deux bandes de loggias / jardins d’hiver reposent sur des structures autonomes et fondées, juxtaposées à l’existant comme pour la Tour Bois-le-Prêtre, à Paris 17e, réalisation de référence de l’agence abondamment publiée et primée (2011). De même, les deux ailes érigées sur dix étages sont des structures distinctes librement déployées sur de grandes envergures. Réalisées en acier galvanisé, ces structures associent des poteaux HEA de section dégressive au fil des étages (HEA 260 à 180 pour les extensions de façade et HEA 400 à 200 pour les constructions neuves latérales) et des poutres en PRS (profilé reconstitué soudé) pour les sections courantes, les rives et les consoles. En couverture, les poutres et pannes sont de simples IPE 220 et 140 disposés en sections courantes. Les structures horizontales sont complétées de planchers mixtes préfabriqués qui facilitent la mise en œuvre et assainissent le chantier dans l’optique d’une construction en filière sèche. Tous ces choix répondent à une quête de légèreté, de rapidité de montage, de moindres nuisances et de salubrité du chantier justifiée par la présence des habitants, même si tous ceux de la tour ont été relogés au préalable, mais encore à une économie globale et à un parti pris assumé en faveur de la construction métallique et des produits industrialisés. Le credo des architectes rejoint ici la pertinence locale, les chantiers navals étant la raison d’être de la ville de Saint-Nazaire depuis toujours. Et ce n’est probablement pas un hasard si cette architecture de métal cultive le goût du grand air par ses espaces intermédiaires et ses ponts extérieurs ceinturant systématiquement tous les étages du nouveau bâtiment résultant de la transformation de la tour originelle.
Surfaces
10 282 m2 hon dont 3 725 m2 existants + 1 645 m2 extensions de façade + 4 912 m2 logements neufs rapportés en 2 ailes, jardins d’hiver inclus (40 logements restructurés et 40 logements neufs)
Montant des travaux
6,6 M€ HT
Calendrier
Concours 2006
Livraison 2014

Maîtrise d’ouvrage : Silène, Opac de Saint-Nazaire
Maîtrise d’œuvre : Anne Lacaton & Jean-Philippe Vassal, architectes, avec Frédéric Druot, architecte associé, Jullien Callot, collaborateur, Mabire & Reich, suivi de chantier
BET structure métal : Cesma
BET structure béton : PLBI
BET fluides : Area
Acousticien : Guy Jourdan
Thermicien : Cardonnel
Économiste : Vincent Pourtau
Charpente métallique et planchers collaborants : groupement d’entreprises Lang (mandataire) et Girard Hervouet (co-traitant)
Planchers collaborants préfabriqués : Système Cofradal, ArcelorMittal