Architectures
Les Docks, entrepôt Seegmuller, Strasbourg
Une superstructure métallique permet d’embarquer 67 appartements à bord du vieil entrepôt portuaire reconverti en bâtiment multifontionnel.
Hier ceinte de remparts, puis entourée de voies navigables et contournée par la route, la ville historique de Strasbourg compte sur son périmètre quelques jalons remarquables dont les anciens entrepôts du port fluvial tangenté par l’axe routier reliant l’Allemagne. Implantés sur une presqu’île de 600 mètres de longueur entre le canal de jonction et le bassin d’Austerlitz, ils trônent en majesté à la charnière du centre ville et des quartiers sud, le premier reconverti en médiathèque depuis 2008 (Ibos & Vitart, architectes), le second récemment transformé en un immeuble multifonctionnel par le cabinet Heintz-Kehr & Associés, lauréat de la consultation lancée en 2010 sur la presqu’île Malraux. Construit par l’architecte Gustave Umbdenstock en 1932, cet ensemble de bâtiments portuaires qui compte également une tour administrative campe un paysage familier auquel les Strasbourgeois sont très attachés. Jouissant d’une situation exceptionnelle, ces bâtiments industriels se prêtent à la reconversion avec un bonheur évident.
Une surélévation résidentielle en structure légère
Initialement destiné au stockage des céréales, l’entrepôt Seegmuller présente une ossature en béton armé disposée sur une trame carrée de 4,50 mètres et dimensionnée pour recevoir des charges d’exploitation de 2 000 kg au m2. Cette forte constitution a permis de déposer l’ancienne toiture en tuiles pour la remplacer par une superstructure métallique de trois niveaux qui semble simplement posée sur l’ancien entrepôt conformément à l’imaginaire portuaire du lieu. Calée sur la trame de l’existant, cette structure légère (800 t) transpose dans une écriture contemporaine et résidentielle les vertus utilitaires de l’ouvrage qui lui sert de base. Si bien que la surélévation s’inscrit plus en continuité qu’en rupture alors même que le contraste entre les deux ouvrages est très marqué. La destination également les sépare, cumulant les obligations réglementaires des établissements recevant du public (ERP) et celles du logement. Réhabilité, l’ouvrage en béton héberge des lieux de travail et d’enseignement au-dessus de brasseries-restaurants qui ouvrent en pied sur les quais. La surélévation en acier, quant à elle, accueille 67 appartements “de standing”, du studio au cinq pièces, tous ouverts sur les balcons qui ceinturent l’ouvrage. Les débords de la superstructure et l’important porte-à-faux du pignon ouest accentuent le contraste tout en rattrapant la hauteur du bâtiment de tête dont elle est sciemment détachée. Pour faire bonne mesure, ce dernier est également rehaussé d’un niveau, élégant couronnement vitré installé en vigie sur la ville. Clairement dissociée, la surélévation fait explicitement référence à Mies van der Rohe par son épure orthogonale associant une ossature en acier noir et une peau de verre intégral : une sorte de Lake Shore Drive basculé à l’horizontal au-dessus de l’eau. L’important porte-à-faux de 14 mètres qui définit au sol une placette est réalisé par six poutres treillis juxtaposées de 30 mètres de longueur et 9 mètres de hauteur englobant les trois niveaux, chacune pesant 20 tonnes. Leurs diagonales de contreventement passent sans façon devant les vitrages en fond de balcon, donnant à lire en façade leur constitution. En partie courante, la structure en acier associe des poteaux tubulaires remplis de béton ferraillé et des poutres en profilés qui supportent des prédalles en béton armé.
Une mise aux normes sismiques
Si le report des charges sur la structure existante n’a exigé aucun renforcement, la mise aux normes sismiques de l’ensemble du bâtiment a impliqué toute une chirurgie de gros-œuvre avec la création de joints de dilatation (8 cm) par sciage du bâtiment en trois tronçons, l’introduction de palées de contreventement parasismiques (7 m x 1 m) et la reprise en sous-œuvre des fondations par jet-grouting afin de réaliser des colonnes en béton de deux mètres de diamètre prolongées de micro-pieux en tubes métalliques de forage pétrolier jusqu’à 14 mètres de profondeur. L’impact budgétaire des lots structure et gros-œuvre représente ainsi 50% du montant des travaux alors que le ratio habituel tourne autour d’un tiers, sans toutefois déborder le coût de construction ici contenu à 1 200 € HT le m2 avant finitions.
Des escaliers extérieurs pour optimiser les surfaces
Héritée du gabarit industriel, la largeur des plateaux a imposé la création d’appartements mono-orientés au nord ou au sud, hormis sur les angles où les plus grands sont installés. L’inconvénient est pallié par des patios intérieurs qui apportent lumière et ventilation au cœur des trois niveaux. Les ascenseurs intégrés au bâtiment sont relayés par des escaliers extérieurs qui caracolent en façade nord et relient les différents locaux en multipliant les unités de passage requises par des élargissements successifs. Outre qu’elles optimisent la surface hors œuvre nette, ces circulations extérieures participent de l’identité architecturale du bâtiment en apportant une touche constructiviste à l’épure Miessienne de la surélévation. D’autres y verront les échelles de coupée d’un bâtiment en partance pour une nouvelle vie.
Icade Promotion
Maîtrise d’oeuvre
Georges Heintz et Anne-Sophie Kehr,
architectes associés,
Pascal Philbert, chef de projet
BET structure
CTE
BET fluides
NEC
Architecte d’exécution logements
PH Architecture
Entreprise générale
KS Construction
Charpente métallique et escaliers